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quand les vainqueurs, pendant le congrès, se partagèrent le butin, on lui donna, en compensation dérisoire pour la perte de la Norvège, un petit duché allemand de cinquante mille âmes, le Lauenbourg, à la condition encore que ce petit duché ferait, aussi bien que celui du Holstein, partie de la confédération germanique. Les souverains, en se séparant, prirent affectueusement congé du roi de Danemark : «Votre majesté, lui disait-on, a gagné tous les cœurs... — Et pas une âme, » répondit avec résignation Frédéric VI. L’Angleterre crut effacer, il est vrai, ces tristes souvenirs dans l’esprit des peuples, et aux yeux du Danemark lui-même, par le développement de ses institutions intérieures et l’essor inouï de son commerce maritime. On fut tenté d’oublier le passé et de se confier de nouveau à l’amitié d’un peuple dont on eût voulu suivre de loin certains exemples. La première guerre intentée par l’Allemagne à l’occasion des duchés éclata en 1848 ; le Slesvig était évidemment dès lors l’objet des convoitises germaniques, mais la possession de ce duché avait été solennellement assurée au Danemark par l’Angleterre et la France. Le cabinet de Copenhague se tourna d’abord vers Londres; la réponse fut que le moment d’invoquer la garantie, dont on reconnaissait d’ailleurs le caractère obligatoire, ne paraissait pas venu. Or l’armée prussienne avait déjà envahi le Slesvig et était même entrée dans le Jutland; le gouvernement français offrait d’envoyer un corps d’armée, si de Londres on consentait à disposer d’une force égale : le ministère anglais n’y consentit pas. Au lieu de faire honneur aux promesses de la Grande-Bretagne, lord Palmerston offrit une médiation; au lieu de contribuer à défendre effectivement le duché dont la possession avait été assurée au Danemark, il proposa de le séparer et d’en faire un état indépendant; il conseilla ensuite de le partager, et le ministère tory qui le remplaça au pouvoir crut apparemment mieux faire en se contentant de coopérer au traité de Londres, que personne aujourd’hui ne veut plus reconnaître ni défendre.

Cette nouvelle épreuve n’empêcha pas le cabinet danois d’accorder confiance aux offres de bons offices qui lui vinrent encore en 1860 de la part du gouvernement britannique, au moment où l’Allemagne était de nouveau menaçante; mais en vérité lord Russell ne fut pas heureusement inspiré dans ses propositions, que couronna sa malencontreuse dépêche du 23 septembre 1862, où il conseillait un partage de la monarchie danoise en quatre parties, chacune avec son assemblée législative. La Russie appuyait avec ardeur l’idée de cette combinaison, qui fut par bonheur mal accueillie de la France, et que la Suède fit rejeter. Lord Russell ne se découragea point; mais son action se borna dès lors à demander avec instance au gouvernement danois de perpétuelles concessions. C’est lui qui obtint le retrait des ordonnances du 30 mars 1863, concernant l’administration du Holstein. A l’occasion du changement de règne en Danemark, cédant peut-être aux suggestions de la Russie, il envoya lord Wodehouse à Copenhague pour obtenir du nouveau roi, de concert avec M. Ewers,