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les pleins pouvoirs pour conclure; mais le traité de Paris du 21 novembre 1855 imposait au cabinet suédo-norvégien la nécessité de consulter les deux puissances qui l’avaient garanti contre toute agression de la Russie, c’est-à-dire la France et l’Angleterre, et ce fut un premier motif de retard. Bientôt Frédéric VII mourut, le 15 novembre; quelques jours après, la nouvelle constitution danoise pour les affaires communes entre le Danemark propre et le Slesvig était adoptée par Christian IX, et nul symptôme ne venait témoigner d’un changement de dispositions de la part du cabinet de Stockholm. Ce ne fut que pendant les derniers jours de novembre qu’il manifesta subitement le dessein arrêté de ne pas donner suite aux négociations. Quelle que fût la cause de cette rupture, on comptait encore à Copenhague, quand le Slesvig fut menacé, que le passage de l’Eyder par les armées allemandes provoquerait infailliblement une démonstration scandinave. La déception fut profonde quand on vit qu’il fallait renoncer à cette espérance, et les commentaires ne manquèrent pas. Ce n’est pas ici le lieu de les enregistrer, mais il est permis de constater le grave échec infligé en cette circonstance à la cause du scandinavisme. L’union des trois royaumes, qui intéresse au plus haut point l’Europe et chacun des trois états du Nord, est aujourd’hui gravement compromise. Que le gouvernement suédo-norvégien se soit abstenu par l’effet d’une pression étrangère, comme on l’affirme, ou bien par le sentiment de sa faiblesse et de son péril, c’est une faute, ce semble, qu’il a commise en omettant d’offrir au Danemark l’appui moral de sa coopération. Sans aucun doute, il ne faut pas lui prêter, comme on l’a fait, l’intention secrète de profiter d’un malheur voisin : une telle politique répugne au caractère du roi Charles XV et à celui du comte de Manderström, qui avait répondu avec une telle vigueur à la démarche intempestive de lord Russell en septembre 1862. Si, par impossible, la Suède avait calculé de la sorte, c’eût été de sa part une grande erreur: l’union scandinave ne peut se former un jour, elle ne peut subsister, pour le bien de l’Europe et du Nord, qu’à la condition que chacun des trois peuples destinés à la composer soit intact et respecté. Nul d’entre eux n’entend chercher un joug au milieu de ses frères et se choisir parmi eux un maître, et c’est sur la base d’un dévouement commun, non sur celle d’un calcul égoïste, qu’une telle union, pour être conforme aux vœux et aux intérêts de notre temps, peut se contracter et devenir féconde. Il importe que cette vérité soit entendue non pas seulement à Stockholm, où l’on est sans doute édifié à ce sujet, mais aussi dans les grandes cours appelées en ce moment à sauvegarder l’intérêt européen, et qui apercevront derrière la ruine du Danemark une grave atteinte à l’indépendance utile du groupe scandinave.

En résumé, l’intégrité de la monarchie danoise a été en 1852 proclamée nécessaire. Quelles sont cependant les prétentions des cours allemandes? Si ces prétentions se trouvent en quelque mesure conformes à la justice et à l’intérêt bien entendu de l’Europe, les puissances interprètes impartiales de ce même intérêt n’auront aucune raison de ne les pas satisfaire.