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Paris, ce sanctuaire des Stuarts pour ainsi dire, ce dépôt des traditions et des archives de la royauté exilée. Lorsque le dernier archevêque catholique de Glasgow, James Beaton, s’était réfugié en France au XVIe siècle, il avait confié au collège des Écossais la garde des registres de son diocèse, ainsi que de l’argenterie et des joyaux de l’église. Un siècle plus tard, après la révolution de 1688, c’est encore là que les derniers descendans de Marie Stuart déposèrent tous leurs papiers d’état, titres, sceaux, mémoires, négociations diplomatiques. Un intérêt religieux s’attachait à ces reliques pour tous les jacobites opiniâtres; l’historien aujourd’hui pourrait y puiser les plus précieux renseignemens. Pourquoi faut-il que ces trésors aient été balayés par les tempêtes de 1792? C’est une longue et singulière histoire que celle de ces papiers des Stuarts, emportés par des mains fidèles, puis dispersés par les événemens, devenus un objet d’épouvante pour la personne qui les détient, cachés, enfouis sous la terre, brûlés enfin et perdus à jamais. Le dernier gardien du collège des Écossais, Alexandre Innés, avait été incarcéré avec des religieuses anglaises, et il devait périr avec elles le 9 thermidor, le jour même où la chute de Robespierre renversa l’échafaud de la terreur. Le dépôt confié à sa garde ne fut pas sauvé comme lui ; les archives jacobites avaient été dirigées vers l’Angleterre dès le lendemain du 10 août 1792, et ce fut pendant cette odyssée que, passant de main en main, elles disparurent. Il y avait d’autres collèges écossais dans nos provinces, munis aussi de bibliothèques, de trésors littéraires, de précieuses archives; presque tous furent pillés par la populace. Par un arrêté du 24 vendémiaire an XI, le premier consul réunit au collège écossais et irlandais de Paris le collège écossais de Douai, ainsi que les collèges irlandais de Toulouse, de Bordeaux, de Nantes, de Lille, d’Anvers, de Louvain; il régularisa leur situation, assura le bon emploi de leurs revenus; mais les archives des Stuarts étaient perdues pour toujours.

Il y aurait encore bien des faits intéressans à extraire de ce livre. Soit qu’on veuille suivre le développement continu de nos relations politiques avec le pays des Douglas et des Stuarts, soit qu’on veuille recueillir des indications bibliographiques sur les principaux personnages mêlés à cette histoire, — Buchanan, Lennox, Law, Hamilton, Charles-Edouard, et tant d’autres, — on trouvera chez M. Francisque Michel un guide exactement Informé. Un répertoire si vaste, si complet, trop complet peut-être, un ouvrage qui a coûté tant de recherches et de voyages, mérite assurément de ne point passer inaperçu. Nos voisins d’outre-Manche lui ont fait un accueil empressé; l’auteur, malgré les reproches que nous lui avons faits, a droit aussi chez nous à la reconnaissance des lecteurs studieux.


SAINT-RENÉ TAILLANDIER.


V. DE MARS.