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raître, et dans les idiomes peu répandus, qui sont condamnés à ne jamais être entendus hors des lieux où on les parle. Ainsi le breton, le finlandais, le hongrois, ont conservé des radicaux sanskrits presque à l’état naturel, tandis que ces mêmes radicaux se montrent moins visiblement dans le français, l’italien, l’espagnol, et même dans l’allemand moderne. Il n’est donc pas surprenant que notre langue, essentiellement analytique, organe de la civilisation nouvelle, plus raisonneuse qu’éprise de métaphysique, et qui marche toujours, n’ait rien, ni dans son allure, ni dans ses formes grammaticales, qui la rapproche à première vue de celle des Védas. Cependant elle appartient, par toute sorte de liens, à la famille des langues indo-européennes qui, prises dans leur ensemble, possèdent la presque totalité des radicaux sanskrits ou zends; seulement ce qu’elle en a pour sa part lui est arrivé de seconde main en passant par le latin, le grec et l’ancien allemand.

Ces trois idiomes ont exercé sur le nôtre une influence considérable; toutefois, comme ils sont relativement modernes, ce n’était pas en eux qu’il convenait de chercher les sources de la langue française. A n’en pas douter les dialectes que parlaient les hordes de la Germanie offraient une grande analogie avec ceux dont se servaient les tribus gauloises. Leur manière de vivre et de combattre étaient à peu près les mêmes ; elles venaient les unes et les autres des bords de la Mer-Noire, et s’étaient avancées vers le nord-ouest, tantôt côtoyant, tantôt foulant sous les pieds de leurs chevaux les provinces de l’empire romain, qui tremblait à leur approche. Ce fut la facilité avec laquelle les Gaulois, une fois subjugués, se façonnèrent aux mœurs romaines qui opéra la séparation entre les deux races. Tandis que les Germains, abrités derrière leurs forêts sombres et leurs froids marécages, repoussaient énergiquement toute assimilation avec les maîtres du monde, la langue latine prenait pied dans les Gaules et effaçait peu à peu les traces de celle des peuples conquis; mais, de son côté, la langue latine apportait dans le nouvel idiome qui commençait à naître son contingent de radicaux puisés aux mêmes sources, de telle sorte que le patois informe qui devait sortir du mélange des Gaulois et des Latins, se reconstituant sur des bases nouvelles, ne faisait que remonter par des voies différentes aux mêmes origines. Cependant il nous resta quelque chose du germanisme de nos ancêtres, et c’est dans le haut allemand que nous retrouvons l’étymologie de la plupart des verbes, tout français au premier coup d’œil, dont le latin ne nous fournit pas l’explication; d’ailleurs la basse latinité avait probablement tiré de ce même fonds bon nombre de ces mots malsonnans et à demi barbares qui parurent vers la décadence de l’empire. Quant à la Grèce,