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MAURICE DE SAXE

I.
LES ANNÉES DE JEUNESSE ET LE MARIAGE.

L’histoire n’a pas dit son dernier mot sur la tragique aventure qui ensanglanta le palais des électeurs de Hanovre par une nuit du mois de juillet 169, Un brillant gentilhomme, le Bassompierre ou le Lauzan des cours du Nord, est invité à un rendez-vous chez Sophie-Dorothée, femme de ce prince voluptueux et indolent qui devait occuper le trône d’Angleterre sous le nom de George Ier. Philippe de Kœnigsmark (ainsi s’appelait le gentilhomme) ne se demande pas si l’invitation est une embûche ; il aime, il est aimé : pourquoi hésiterait-il? Le danger même, bien loin d’effrayer des âmes comme celle-là, ne fait que les provoquer davantage. L’épée à la ceinture et le manteau sur les yeux, le hardi jeune homme se glisse à minuit dans le palais de l’électeur. Il vient d’y entrer, il n’en sortira plus. Ce n’est pas la princesse qui l’attend au fond de la royale demeure, ce sont des assassins embusqués dans l’ombre. On sait aujourd’hui qui a tendu le piège et dirigé les poignards, on sait que le meurtre a été préparé par la maîtresse en titre de l’électeur, l’altière et voluptueuse comtesse de Platen; on sait qu’elle aimait Kœnigsmark, qu’elle l’avait dominé longtemps, et qu’abandonnée ensuite pour Sophie-Dorothée, elle voulut accomplir sa vengeance sous les yeux mêmes de sa rivale éperdue et déshonorée. En quelques mots, tel est ce drame; quant aux péripéties qui ont amené la catastrophe, il y a encore, malgré les révélations du journal de Sophie-Dorothée,