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obligés d’être superficiels. Nos pères ne l’étaient pas tant qu’on le dit; en tout cas, ils l’étaient sans effort. La légèreté a un premier charme; mais il n’y faut pas trop appuyer. Gardons-nous de ce que Mme de Staël a quelque part appelé le pédantisme de la légèreté.


III.

En soumettant ces réflexions aux personnes qui s’intéressent aux choses de l’esprit, on n’a nullement prétendu faire la critique d’aucune administration. Ce qui est arrivé est arrivé fort logiquement; personne n’en est responsable, et en tout cas ceux qui peuvent le plus justement s’en laver les mains sont ceux qui n’ont fait que recueillir l’héritage d’un long passé. Encore moins a-t-on voulu demander des réformes, ou même en indiquer. Je crois peu à l’efficacité des règlemens, non qu’ils soient indifférens; mais rarement le bien qui résulte des réformes compense l’inconvénient de changer ce qui est établi. Je conçois une administration idéale qui ne ferait pas un seul arrêté nouveau, et se bornerait à un choix de personnes. Les hommes sont tout; les règlemens, très peu de chose. Les conditions de notre enseignement supérieur tiennent d’ailleurs si profondément aux lois fondamentales de la société française sortie de la révolution qu’il ne faut songer à aucune modification radicale. Limiter la gratuité et la publicité absolues de cet enseignement semblerait illibéral. Le transporter hors de Paris, créer en France des villes d’étude, des Goettingue, des Heidelberg, paraîtrait à plusieurs une pensée si folle qu’il est inutile de la discuter. Or toute la direction qu’a prise en France le système de l’enseignement supérieur est la suite de ces trois ou quatre conditions fondamentales. Faut-il donc renoncer à voir la France dotée de ces grands établissemens scientifiques qui font la gloire des pays étrangers? Non, sans doute. Les cadres existent; une administration éclairée, également attentive à toutes les parties de ses attributions, persuadée que le devoir de l’état est double, qu’il doit à la fois répandre les connaissances et les étendre, une telle administration, dis-je, saurait tirer un riche parti des ressources infinies que la France possède. Deux ou trois circonstances récentes me semblent de nature à faciliter cette tâche et à élever chez nous le niveau de l’enseignement supérieur.

Je mets sur la première ligne la liberté accordée en principe à un enseignement libre, d’un caractère à la fois attrayant et élevé, de se former à côté de celui de l’état. Si, comme on doit l’espérer, cette excellente institution est destinée à prendre des développemens, on en peut attendre les plus heureux effets. Tout éveil est