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perpétuel avec les machines : les lois qui les gouvernent n’intéressent donc plus seulement les ingénieurs; celles de la traction sur les chemins de fer sont d’ailleurs simples. Le travail des locomotives, comme celui du cheval de trait ou de l’homme qui porte un fardeau, consiste à déplacer une charge et à la conduire en un temps donné à une certaine distance. Comme toute chose, le travail s’estime par comparaison avec une unité de mesure. Pour élever à bras ou par un moteur 1 kilogr. à 1 mètre de haut en 1 seconde, on a nécessairement exercé un effort, une action mécanique, une puissance contre une résistance. C’est cet effort, — action ou puissance, — duquel résulte un travail que l’on prend pour unité de mesure de l’action des moteurs, comme le mètre est la mesure des longueurs, et le kilogramme la mesure des poids. Les ingénieurs donnent à la mesure du travail le nom significatif de kilogrammètre. La force musculaire de l’homme lui permet d’élever en 1 seconde 10 kilogrammes à 1 mètre ou, ce qui revient au même, 1 kilogr. à 10 mètres. L’homme est donc un moteur capable de fournir par seconde 10 kilogrammètres de travail. Un vigoureux cheval de trait donne 75 de ces unités, sa force est de 75 kilogrammètres. L’usage s’est établi de comparer les moteurs mécaniques aux chevaux et d’estimer leur puissance en force de cheval. Nous lisons souvent qu’une usine possède une force motrice de 20 chevaux, — que nos bâtimens transatlantiques ont des moteurs de 900 chevaux, et qu’on en a développé 12,000 dans le Great-Eastern; cela signifie que ces machines réalisent un travail égal à celui qu’exécuterait dans le même temps et les mêmes conditions un pareil nombre de chevaux attelés. Si l’on applique ce calcul aux chemins de fer, on trouve que, dans la marche d’un train express ordinaire, la locomotive déploie une puissance de 300 chevaux, et qu’une machine Engerth en tête d’un fort train de marchandises représente l’effort de 500 à 600 chevaux. Et quels chevaux! leurs propres organes ont des vitesses relatives de 2 à 4 mètres par seconde; le jeu de ces organes est pour ainsi dire une série de chocs. Ce sont des chevaux emportés sous la main de deux hommes, un conducteur et un aide.

Cette estimation de la puissance des locomotives se fit d’abord par le calcul au moyen de la formule algébrique de l’ingénieur anglais Harding. Cette formule ne tient pas moins d’une ligne dans les traités de mécanique, et la solution demande une page de chiffres. Nous devons au général Morin, à M. Sauvage, directeur du chemin de fer de l’Est, ainsi qu’à M. Poirée, des ponts et chaussées, un procédé si simple, qu’avec la seule règle arithmétique de la multiplication chacun peut estimer la puissance en chevaux développée dans la traction du convoi qui le transporte. Ces savans ont interposé entre la locomotive et le train remorqué un instrument à res-