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immédiatement d’Athènes sur Missolonghi, refusèrent, à moitié route, de marcher contre leurs frères ; en même temps le détachement vagabond retrouvé dans la Phocide, en arrivant à Patras, où il devait tenir garnison, se mutina, et au lieu d’entrer dans la ville alla s’enfermer dans un village voisin, d’où il défia les autorités. De tels actes de rébellion, éclatant à la fois sur tant de points divers du territoire, révélaient une direction commune et un plan prémédité ; la lutte sourde qui s’était engagée depuis quelque temps entre le premier ministre et M. de Sponneck, le refus inflexible que, sur le conseil de ce dernier, le foi avait opposé à certaines mesures révolutionnaires proposées par M. Boulgaris, suffisaient pour faire connaître d’où venait l’impulsion : le parti subversif voulait, à la suite d’une insurrection qui eût suivi la même marche que celle d’octobre 1862, chasser le conseiller du souverain et tenir celui-ci prisonnier dans ses mains, jusqu’au jour où il le briserait à son tour comme un instrument inutile.

Heureusement l’excès du mal et la grandeur du danger réveillèrent les honnêtes gens. Déjà dans l’assemblée les députés du centre s’étaient séparés de M. Boulgaris ; les anciennes divisions de partis, français, anglais et russe, puis de plaine, de montagne et d’éclectiques, avaient achevé de s’effacer, et la représentation nationale s’était divisée en deux camps égaux, les conservateurs et les révolutionnaires, entre lesquels une dizaine de voix flottantes transportaient la majorité tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. La pression de l’opinion publique, soulevée de colère à la nouvelle des incidens de Missolonghi et de Patras, fit enfin pencher la balance du côté des modérés. La discussion du budget venait de commencer, et l’on en était au chapitre de la guerre : c’était une occasion favorable pour tendre un vote de défiance contre le cabinet qui entretenait systématiquement l’état de décomposition de l’armée ; elle fut saisie, et M. Boulgaris, battu dans la constituante, où il avait jusqu’alors trouvé sa force, dut donner sa démission, ce qu’il fit en adressant au roi une lettre insolente et pleine de menaces. Le pouvoir échappait une fois de plus à l’extrême gauche ; l’illustre amiral Canaris, chef de la droite conservatrice, reçut la mission de former un nouveau ministère. Il en puisa les élémens en partie parmi ceux qui avaient marché constamment sous sa bannière et en partie dans le centre ; presque toutes les plus hautes capacités de l’assemblée, presque tous les hommes les plus marquans dans le sens de la résistance, MM. Christidis, Zaïmis, Coumoundouros, Théodore Délyannis, répondirent à son appel, oubliant d’anciennes divisions pour affronter ensemble les périls de la situation ; le portefeuille de la guerre fut confié aux mains énergiques de M. Coronéos. Une approbation