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qui s’était écoulé entre la vue de l’explosion et la perception du son. D’un autre côté, presque tous les observateurs avaient, malgré la surprise, apprécié approximativement la durée de cet intervalle, et l’on put comparer leurs évaluations aux résultats prévus par le calcul. La concordance des chiffres ayant été à peu près complète, nous ne pouvons plus garder aucun doute sur l’exactitude des résultats qu’il nous reste à faire connaître.

Le bolide venait certainement d’espaces inaccessibles à nos sens ; mais quand il a commencé à luire, il se trouvait à une hauteur de 50 kilomètres au-dessus du sol. Ce premier point mérite de nous arrêter. On ne connaît pas la hauteur exacte où se termine la couche d’air qui nous enveloppe ; mais on sait par l’expérience, aussi bien que par le raisonnement, que l’atmosphère est de plus en plus raréfiée à des hauteurs de plus en plus grandes, et qu’à 50 kilomètres la pression est réduite à un millième de ce qu’elle est au niveau de la mer. Le bolide était donc déjà plongé dans notre atmosphère quand on a commencé à l’apercevoir ; ensuite il a continué sa course en se rapprochant du sol jusqu’à 16 ou 20 kilomètres, c’est-à-dire jusqu’à quatre ou cinq lieues, à peu près quatre fois la hauteur du Mont-Blanc. C’est alors qu’il était au-dessus de Nohic et qu’il a éclaté.

C’est l’air qui est le véhicule du son ; à mesure que l’on s’élève et qu’il se raréfie, les bruits perdent de leur intensité. Dans le célèbre voyage qu’ils firent en ballon, Gay-Lussac et Biot s’étonnaient de la faiblesse de leur voix, et constataient que le bruit d’un coup de pistolet ressemblait, à 8 kilomètres d’altitude, au bruit d’un coup de fouet. On ne s’est jamais élevé jusqu’à 20 kilomètres ; mais on sait que la pression y est réduite au dixième, et que tous les bruits doivent être affaiblis suivant une proportion bien plus considérable encore que dans l’exemple cité tout à l’heure. Or, puisque l’explosion de notre bolide a pu se faire entendre jusqu’à vingt lieues de distance, il faut qu’elle ait été produite sur une masse et avec une intensité qui nous donnent une première appréciation de la grandeur du phénomène. Cette appréciation se confirme d’une autre manière : la plupart des observateurs ont comparé la grosseur du bolide à celle de la lune. Il y a peut-être un peu d’exagération dans cette assertion ; mais, tout en la réduisant comme il convient, on peut se demander quelle devait être la grandeur réelle du globe enflammé pour qu’il eût, de la distance où il était observé, la dimension apparente de la lune. On trouve aisément qu’il avait de 400 à 500 mètres de diamètre. À ce compte, il était de quatre à cinq fois aussi gros que la cathédrale de Paris, et l’on ne peut se défendre d’une certaine appréhension rétrospective en songeant aux habitans de Montauban :

Nous l’avons cette nuit, madame, échappé belle,
Un monde près de nous a passé tout du long…

À ces graves résultats, les calculs de M. Laussedat ajoutent un sujet d’étonnement