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La paix des Pyrénées fit tort à Vauban d’une de ses deux compagnies ; le régiment de Nancy fut réformé. Son service au régiment de La Ferté ne lui donnant pas beaucoup à faire, il profita de ses loisirs pour retourner au pays natal. Sa famille, qui l’avait parfaitement oublié jadis, n’hésita pas à le reconnaître et se fit honneur de lui. On le traita comme l’enfant prodigue, quoiqu’il fût tout le contraire ; il revenait, à vingt-sept ans, capitaine dans un régiment conservé, ingénieur du roi, distingué par les généraux, connu même de M. le cardinal ; il était un personnage. On s’occupa de le marier. Il épousa une personne qui, sans être précisément sa cousine, était sœur de deux de ses cousins-germains[1]

elle se nommait Jeanne d’Aunay. Le contrat fut signé le 25 mars 1660, au château d’Épiry, près de Corbigny en Nivernais, chez le père de la mariée ; l’un des témoins était Paul Le Prestre, cousin-germain de Vauban, chef de la branche aînée et possesseur alors du manoir auquel était attaché le titre seigneurial de la famille.

Peu de temps après son mariage, Vauban fut rappelé pour le service du roi. Par le traité des Pyrénées, la Lorraine avait été rendue au duc Charles IV sous certaines conditions onéreuses, l’une desquelles était la destruction des fortifications de Nancy. Après bien des hésitations, Charles IV y consentit enfin, et Vauban fut désigné pour diriger et surveiller les travaux de démolition. Il fit séjour à Nancy pendant les années 1661 et 1662. L’année suivante, de nouvelles difficultés étant survenues entre Louis XIV et Charles IV, Vauban fut chargé de reconnaître la place de Marsal et de dresser même un projet de siège ; mais la soumission du duc de Lorraine et l’occupation pacifique de Marsal rendirent ses soins inutiles., Louis XIV ne lui en tint pas moins compte. Du régiment de La Ferté, Vauban passa capitaine au régiment de Picardie, qui tenait, à la tête des vieux corps, le premier rang dans l’infanterie, après les gardes françaises et suisses. C’était un grand honneur d’y être capitaine, même à prix d’argent ; mais, lorsque la compagnie était gratuitement donnée, comme à Vauban, l’honneur se doublait d’un profit considérable. Au prix où se tenaient les compagnies des vieux corps, c’était un beau présent que Louis XIV faisait à son ingénieur ; il y ajouta encore, pour l’aider à se mettre en équipage, une bonne somme d’argent comptant.

Dans un contrôle de 1665, suivi d’observations sur les officiers d’infanterie, Vauban se trouve à son rang de capitaine dans Picardie

  1. Paul Le Prestre, frère aîné du père de Vauban, avait épousé Urbaine de Roumiers, dont il eut deux fils ; deux ans après sa mort, arrivée en 1635, sa veuve se remaria avec Claude d’Aunay, baron d’Épiry, et c’est de ce second mariage qu’elle eut une fille nommée Jeanne, qui épousa Vauban.