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mise à néant de la proposition anglaise, qui avait pour base une concession directe à prix convenu. La compagnie d’Oran, quoique évincée, était moins atteinte ; elle pouvait, en maintenant ses offres et les autres termes de la transaction étant respectés, se porter comme adjudicataire. Le gouvernement ne lui laissa pas longtemps cette illusion. Par une modification à l’avis du conseil d’état, il arrêta que la vente des terres se ferait non par lots, mais en un seul bloc, à charge par l’adjudicataire d’exécuter tous les travaux de mise en rapport à ses frais et risques. Les termes des deux propositions étaient renversés ; il ne restait plus que des morts sur ce champ de bataille. L’affaire traversait encore une fois la mer pour que l’administration algérienne rédigeât un nouveau cahier des charges. Il est vrai que, par ordre supérieur, on réclamait l’urgence.

Ce changement de front amena des conséquences faciles à prévoir ; les compagnies se désistèrent. Jusque-là, le barrage, exécuté par l’état dans les conditions dont il restait juge, était demeuré à sa charge : c’était à lui de calculer si le prix retiré de la vente des terres était une compensation suffisante aux dépenses qui allaient lui échoir. Ces travaux étaient naturellement de son ressort. Il avait pour les diriger un corps d’ingénieurs, et au besoin, pour les terrassemens, la main-d’œuvre des soldats. Pour les compagnies, c’était une tâche à laquelle elles n’étaient préparées ni par leur constitution, ni par leurs études ; cette tâche les prenait au dépourvu, et comment s’y engager à l’aventure, sans devis préalables, sans instrumens sous la main ? D’ailleurs, en la leur imposant, on ne les laissait pas libres ; au fardeau de la dépense on ajoutait les servitudes de l’exécution. On les livrait presque sans défense à cet épouvantail que l’on nomme le cahier des charges. Des cahiers des charges, il y en a partout quand des services privés on passe à un service public, mais on ne s’y attache qu’à des clauses simples, formelles, essentielles ; les nôtres semblent imaginés pour enchaîner les mouvemens et multiplier les embûches ; on y déploie un art infini à rendre les contrats onéreux et à gâter les entreprises par les gênes de l’exercice. Tout y semble animé de l’esprit de ne concéder une affaire qu’en l’empêchant de marcher. On ne s’est pas départi de cette coutume pour la vente des terrains de l’Habra. Le cahier des charges, on l’a vu, devait être rédigé par l’administration locale et y passer par deux degrés de juridiction, Oran d’abord, puis Alger. Oran se montra accommodant, les conditions n’y étaient pas très dures ; mais à Alger l’on ne sait sous quelle influence le travail fut remanié et empiré. Un luxe de précaution inouï se montrait à chaque page. Eût-on voulu gagner du temps et décourager les adjudicataires qu’on ne s’y fût pas autrement