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et fut reçue avec empressement par des colons qui s’étaient déjà établis dans le haut de la vallée.

C’est ici que s’arrête pour le moment l’histoire des explorations de l’Australie. On voit combien d’hommes ont succombé à la tâche, quelles souffrances ont éprouvées ceux qui ont survécu. Ceux qui compléteront la reconnaissance topographique du continent souffriront moins assurément que leurs prédécesseurs, parce qu’ils sauront mettre à profit les enseignemens de l’expérience. Depuis quelques années, les expéditions sont déjà sans contredit mieux conçues, mieux dirigées qu’elles ne l’étaient autrefois. On a des idées plus justes sur la façon dont les voyages doivent être entrepris pour produire de bons effets. Ainsi il n’arrivera plus sans doute que deux ou trois hommes se hasardent seuls à l’aventure dans les solitudes du centre ; on sait qu’il convient d’être en nombre pour tenir tête aux indigènes en cas d’attaque. Les moyens de transport ont aussi été perfectionnés. Les chariots sont décidément abandonnés parce qu’ils causent trop d’embarras. Les chameaux ont paru au contraire éminemment utiles et s’acclimatent si bien qu’il a été question d’en introduire un grand nombre dans la colonie et de les. appliquer aux transports de tout genre. Plus élevés que les chevaux, ils ont, dit-on, cet avantage, qu’ils peuvent franchir les rivières et les marécages sans dommage pour les fardeaux qu’ils ont à transporter. On leur reproche néanmoins un grave inconvénient, et ceci fera juger d’un mot les souffrances auxquelles sont exposés les explorateurs : on leur reproche d’avoir une chair coriace, dure à la cuisson, et de ne pouvoir, en cas de disette absolue, servir d’aliment à de malheureux affamés. Il est arrivé plus d’une fois en effet que les chevaux ont été sacrifiés, comme ressource suprême, après épuisement de toutes les provisions de vivres. Leur chair, découpée par bandes et cuite au soleil, a été en bien des occasions la seule nourriture des voyageurs. La terre australe n’est pas riche en animaux sauvages ; aussi ne peut-on compter sur les produits de la chasse pour assurer la nourriture de tous les jours. Il faut donc que la colonne expéditionnaire emporte avec elle ce qui lui est nécessaire. De la farine dont on fait des galettes cuites sous les cendres chaudes, du riz, du lard et des viandes salées, du thé et du sucre, — des médicamens, au nombre desquels on comprend un petit assortiment de liqueurs fortes, du tabac, de la poudre et des armes, voilà tout Ce qui compose, avec les tentes et les couvertures, le bagage indispensable des voyageurs. C’est avec ces modestes ressources qu’ils parcourent des milliers de kilomètres et qu’ils séjournent des mois et des années dans des régions inconnues.

Sans contester le courage et l’abnégation qu’exigent de telles