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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 52.djvu/879

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la population de cette ville naissante en détournait les émigrans paisibles et honnêtes qui eussent régénéré la colonie nouvelle. Cependant, des terres d’une fertilité admirable ayant été découvertes aux environs de Sydney, on réussit à y attirer quelques familles séduites par la gratuité du passage que le gouvernement octroya généreusement aux premiers émigrans, puis des officiers et des soldats congédiés auxquels on accordait des lots de terrain. Ces colons, qui obtenaient l’autorisation d’employer les convicts pour tous les labeurs pénibles, se bornaient à élever un peu de bétail pour l’alimentation des Européens et ne cultivaient que les produits du sol auxquels la proximité d’une ville assurait un débouché facile. Au nombre de ceux qui profitèrent des premières concessions se trouvait M. Mac-Arthur, capitaine au 102e régiment. Ayant acheté quelques moutons du Bengale ou du Cap de Bonne-Espérance qui avaient été apportés pour le ravitaillement de la colonie, il s’aperçut bientôt que la toison rude et grossière de ces animaux devenait en peu de temps fine et douce sous l’influence du climat tempéré de l’Australie. Il entrevit dès lors l’importance que l’élève des troupeaux pourrait acquérir sur ce continent au point de vue de la production de la laine. Sur ses pressantes sollicitations, le gouverneur fit acheter au Cap un petit troupeau de mérinos, de race espagnole pure, que le gouvernement hollandais y avait expédié. Ce fut le point de départ de l’industrie pastorale. À cette époque, il ne faut pas l’oublier, l’Angleterre tirait de l’Espagne toute la laine fine nécessaire à ses manufactures, et cette matière première devint rare et d’un prix excessif pendant les guerres de la révolution. Il y avait donc un intérêt de premier ordre pour les Anglais à en favoriser la production dans leurs colonies. Aussi, lorsque M. Mac-Arthur vint en Europe en 1803, il trouva un grand nombre de ses compatriotes disposés à l’aider dans l’entreprise qu’il avait conçue, et il reçut les encouragemens des principaux manufacturiers. Ayant recruté dans son pays natal les ouvriers qui lui étaient indispensables, il repartit bientôt avec un troupeau de bêtes choisies. Par un heureux présage, le navire qui l’emportait s’appelait Argo et avait une toison d’or à la proue. Soixante années se sont écoulées depuis ce début modeste, et aujourd’hui les colonies australiennes produisent presque autant de laine que la France et les îles Britanniques.

Malgré les efforts de certains hommes qui comprenaient, comme M. Mac-Arthur, le bel avenir réservé aux établissemens de l’Australie, la colonie se développait avec lenteur. La faute en fut surtout, paraît-il, aux gouverneurs qui se succédèrent dans l’administration de ce pays. Jusqu’en 1822, Sydney ne fut, aux yeux de l’autorité, qu’un dépôt pénitentiaire. Les convicts libérés, que l’on tenait à faire