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des institutrices les plus malheureuses ; on a calculé qu’il ne fallait pas, pour y parvenir, moins de 1,600,000 fr. On peut juger par là de l’immensité du mal. La chambre a reculé devant cette dépense d’un ou deux millions : il eût été plus juste et plus habile de la doubler. 4,756 institutrices, qui sont loin d’être les plus malheureuses, ont un revenu flottant entre 400 et 340 fr., c’est-à-dire entre 1 fr. 10 c. et 0,94 c. par jour. Celles qui n’atteignent pas même le chiffre de 340 fr. sont réduites à des journées de 60 on 75 c, qui doivent suffire à leur nourriture, à leurs vêtemens et à leur entretien. Elles ne peuvent pourtant pas mendier, étant institutrices, ni se faire inscrire au bureau de charité : comment vivent-elles ? On ne peut pas s’empêcher de dire qu’en les mettant au-dessus du besoin le pays ne ferait qu’acquitter une dette sacrée.

Il ne faudrait pas qu’on vînt à ce propos nous parler d’économie. Voilà une économie bien meurtrière, qui condamne tant de pauvres femmes à souffrir de la faim. Là encore, le ministre glane où il peut, sur les services mieux dotés, quelques billets de mille francs qu’il distribue en secours ; mais cette sollicitude, dont il faut louer le ministre, est-elle une excuse pour le pays ? Est-ce que le pain de ces 5,000 institutrices chargerait beaucoup notre budget de 2 milliards ? Qu’on y songe, il y a là une question de justice et d’humanité, non-seulement envers ces malheureuses, qui portent le grand nom d’institutrices et remplissent la grande mission de nous élever des citoyennes, mais envers les filles du peuple, à qui l’on donne des maîtresses mal préparées, incapables pour la plupart, qui souffrent de la faim à côté d’elles, et qui gagneraient à quitter leur école pour se faire servantes.

On a fait quelques efforts pour le recrutement des institutrices. On sait que nous avons pour les écoles de garçons 75 écoles normales dirigées par des laïques et contenant 3,094 élèves, 2 écoles normales dirigées par des frères et contenant 77 élèves. Il y faut ajouter quatre cours normaux dirigés par des laïques et contenant 82 élèves, 1 cours normal dirigé par les frères, 1 autre dirigé par un prêtre, réunissant à eux deux 51 élèves : en tout, pour l’enseignement des garçons, 77 écoles normales et 6 cours normaux, renfermant 3,304 élèves. Les écoles de filles sont bien loin de se recruter dans un aussi nombreux personnel d’élèves-maîtresses. Quatre écoles normales laïques renferment 198 élèves, 5 écoles cougréganistes en comptent 142, en tout, pour les 9 écoles normales, 340 élèves. Il y a en outre 44 cours normaux dirigés par des sœurs et réunissant 1,125 élèves, 8 cours normaux dirigés par des institutrices laïques et réunissant 76 élèves ; ce qui porte le nombre des