Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/103

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soin des pensionnaires dans les maisons de refuge appartenant à Trinity House. Les chartes leur confèrent en outre le droit de punir les matelots pour cause de révolte, de mauvaise conduite ou de désertion. La marine royale, comme la marine marchande, est peut-être de toutes les carrières celle qui se prête le mieux dans la Grande-Bretagne à l’essor du mérite personnel. Plusieurs des officiers qui se sont élevés le plus haut dans le service de l’état ont commencé par grimper au mât, et le capitaine Cook lui-même débuta comme mousse dans un bâtiment qui transportait du charbon de terre sur les côtes. Parmi les anciens capitaines de vaisseau qui dirigent Trinity House, il y en a quelques-uns qui peuvent se dire les fils de leurs œuvres ; ce sont dans tous les cas des hommes pratiques, chez lesquels l’expérience de la mer s’allie à l’énergique résolution de protéger les intérêts du commerce.

Parmi les fonctions si diverses et si étendues de cette société, je ne m’arrêterai qu’à celles qui concernent l’éclairage des mers britanniques. Pour la première fois, sous le règne de Jacques Ier, on se demanda si les privilèges accordés à Trinity House par Henri viii et par la reine Élisabeth embrassaient bien le droit d’ériger des phares, light-houses. Une personne se trouvait surtout intéressée à faire triompher l’opinion contraire : c’était le roi. La concession des phares était une source de faveurs et par conséquent un moyen sur lequel on pouvait compter pour étendre les prérogatives de la couronne. Ainsi pensait Jacques Ier, et les courtisans étaient de son avis. Il n’y avait point alors un coin de rocher nu et désolé au bord de la mer qui ne fût convoité par les spéculateurs pour y bâtir une tour et y allumer un fanal. Un ancien ministre d’état fort bien en cour, lord Grenville, écrivait sur son journal en forme de note ou de memorandum : « Guetter le moment où le roi sera de bonne humeur pour lui demander un phare ». Ces light-houses levaient en effet un droit considérable sur tous les vaisseaux qui passaient à portée de la lumière projetée par la lanterne. Les prétentions de Jacques Ier embarrassèrent beaucoup les juges, qui finirent par transiger entre les deux puissances ; il fut décidé que la confrérie des marins était autorisée à élever des phares, mais que la couronne jouissait du même privilège en vertu de la loi commune. À partir de ce moment, au lieu de rester, comme l’avait voulu Élisabeth, la propriété exclusive de Trinity House, le bail et le monopole des feux allumés sur les côtes furent accordés ou vendus par le souverain à certains particuliers. Les conséquences de ce système ont été déplorables. Quelques-uns des feux éclairaient mal ; d’autres ne s’allumaient point du tout, et dans tous les cas les navires avaient à payer de grosses taxes. Enfin, sous le règne de Guillaume IV, un