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L'ILE D'ELBE
ET SES MINES DE FER
SOUVENIRS DE VOYAGE


Insula inexhaustis chalybum generosa metallis.
(Virgile, Enéide, liv. X.)

Au milieu de l’archipel toscan, vis-à-vis de la pointe de Piombino, que la péninsule italique détache sur la mer comme une sentinelle avancée, le marin reconnaît une île plus grande que les îles voisines, et dont les montagnes élevées, aux pentes raides, se dressent au-dessus de l’eau, semblables à d’énormes pyramides. Du côté qui fait face à la terre ferme, les flancs dénudés des roches qui composent le sol affectent une teinte de rouille très caractérisée : le pays n’est là qu’une immense montagne de fer. Sur d’autres points, la physionomie de l’île, parée de sa végétation à demi tropicale, est toute souriante, et cette terre douée d’un climat si salubre fait contraste avec les maremmes qui s’étendent sur les côtes de la Toscane. Le voyageur qui, profitant de la voie ferrée littorale, se rend par terre de Livourne à Piombino ne peut voir cette île privilégiée, cette reine de la mer Tyrrhénienne, sans être presque aussitôt entraîné à franchir le bras de mer qui l’en sépare. Ce canal est, à vrai dire, rarement paisible, et n’a rien à envier au goulet de la Manche pour l’agitation incessante des eaux et le bruit des vents presque toujours déchaînés. Il n’importe ; le premier moment d’émotion une fois passé, on s’embarque avec joie, et souvent on revient visiter ces parages, dominé comme par un charme secret.

C’est vers cette terre fortunée, dans laquelle on a déjà reconnu l’île d’Elbe, que je voguais au mois de juillet 1864. Le désir de