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dans la personne de M. Armand Lefebvre, frappé il y a peu de jours par une mort prématurée. M. Armand Lefebvre avait été attaché au ministère des affaires étrangères dès l’année 1821, il y resta jusqu’en 1832, et rentra dans la carrière diplomatique en 1848. Sa retraite fut consacrée à la composition de ses études sur l’histoire diplomatique de l’empire, qui parurent d’abord dans la Revue, où elles furent très remarquées, et qui devinrent un important ouvrage. Après 1848, M. Armand Lefebvre fut ministre de France dans plusieurs cours d’Allemagne, à Carlsruhe, à Munich, à Berlin. Il succéda en 1855 à M. Thouvenel dans la direction des affaires politiques, et avait quitté en 1860 le ministère des affaires étrangères pour entrer au conseil d’état. Ceux qui ont connu M, Armand Lefebvre et qui à travers sa modestie bienveillante avaient pénétré et goûté les qualités solides de son esprit ont éprouvé des regrets sincères en voyant si tôt finir la carrière honorée de cet utile serviteur du pays.

E. FORCADE.


REVUE DRAMATIQUE.


Les trois pièces qui se donnent aujourd’hui au Théâtre-Français, à l’Odéon et au Gymnase sont loin d’édifier d’emblée le spectateur sur le caractère véritable de notre théâtre contemporain. Tout au plus en peut-on saisir vaguement les nouvelles tendances. Notre littérature dramatique passe, ce semble, chaque jour davantage des peintures abstraites et générales aux tableaux de la vie réelle et quotidienne ; elle délaisse volontiers les côtés fixes et permanens de l’humanité pour ces traits fugitifs et de circonstance dont un instant modifie la teinte et l’expression. L’on perfectionne d’un côté l’illusion matérielle de la mise en scène, et en même temps l’on complique l’illusion morale, celle que le drame et l’acteur sont seuls chargés de produire. De l’aveu même du public, les genres se mêlent et se confondent. Le théâtre n’est plus pour nous une fête en quelque façon solennelle, une volupté exquise et rare ; il est devenu un passe-temps banal, et je dirai presque un besoin. L’auteur dramatique était placé autrefois en présence de deux publics bien tranchés, les illettrés et les délicats. Aujourd’hui il est tenu de satisfaire une masse flottante de spectateurs de tout rang et de tout état, qui demandent sans parti-pris une distraction au premier théâtre venu. Il en résulte que la littérature dramatique a pris le caractère indécis du milieu d’où elle tire nécessairement ses inspirations habituelles ; elle nous met en présence d’une chose nouvelle, d’un produit hybride, encore mal venu et mal conformé, qui ne saurait être bien désigné par aucun des mots en usage pour distinguer la nature des œuvres théâtrales. Elle rapproche, en les ajustant provisoirement un peu au hasard, des élémens tout d’abord admis sans mélange et séparément par la scène ; elle prend au drame, à la comédie, au vaudeville, à la féerie, à la pièce à spectacle, de quoi former un tout complexe et disparate. Nul, parmi les auteurs de ce temps-ci, n’a encore la divination claire et nette d’un genre vraiment original ; mais quelques-uns, au nombre desquels il faut