Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/964

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mœurs se modifient aussi bien que les aptitudes physiques, et s’adaptent au climat, aux capacités et aux productions du sol. Les frontières du nouvel état, que les fondateurs avaient fixées par des considérations arbitraires, se rectifient, en sorte que la colonie tend insensiblement vers ses limites naturelles; territoire et caractère, hommes et choses, tout se constitue à la fois par l’effet des réactions singulières qu’exercent sur un peuple les conditions géographiques au milieu desquelles il prend son essor. L’Australie offre à ce point de vue un spectacle d’autant plus curieux qu’il est plus spontané, et qu’elle réunit en des régions très voisines de son immense surface des établissemens parvenus aux divers âges de l’enfance et de l’adolescence

Issue d’un dépôt pénitentiaire, recrutée parmi les aventuriers de toutes les nations pendant la période d’attraction des mines d’or, la population de la Nouvelle-Galles du Sud est néanmoins aujourd’hui saine et laborieuse. Il pourrait paraître étrange qu’il n’y fût plus question des convicts, et néanmoins il est bien vrai que la race des condamnés semble éteinte ou modifiée, quoique la transportation ne soit abolie que depuis vingt-cinq ans à peine. Au milieu de la foule des immigrans libres, dont beaucoup avaient quelques motifs de cacher leur vie passée, les descendans des anciens convicts se sont confondus dans la masse en se lavant du stigmate d’infamie que devait leur infliger leur origine. Bien peu d’entre eux ont hérité des mauvaises tendances de leurs pères, et la plupart des transportés qui ont fait souche s’étaient déjà réhabilités de leur vivant par une conduite irréprochable. La population australienne s’est épurée par l’œuvre du temps, comme un ruisseau dont la source serait trouble s’éclaircit à mesure que les eaux s’éloignent du lieu d’origine. Ce serait même un argument considérable à faire valoir en faveur de la déportation que ce grand nombre de familles honorables issues d’une source impure, tandis qu’en Europe le crime et la débauche semblent être un héritage imprescriptible. Quoi qu’il en soit, après que l’Australie a présenté pendant quarante ans le spectacle d’une dépravation abominable, on croirait aujourd’hui qu’il n’y a jamais eu en ce pays que des immigrans volontaires, et si la question de la transportation y est encore agitée, c’est qu’on retrouve dans les bas-fonds de la société coloniale des échappés des pénitenciers d’alentour, triste voisinage dont l’Océanie ne veut plus, et que l’Europe lui impose malgré elle. Bien que le caractère initial des établissemens se soit effacé, il n’est pas inutile d’étudier ce que les convicts ont été et ce qu’ils ont fait à la Nouvelle-Galles du Sud. On a dit souvent que la prospérité de ces colonies leur est due : la raison répugne à l’admettre, et il est bon de montrer d’après de