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de l’Occident conservant jusqu’à leur dernier jour leur caractère primitif, ne subissant que des modifications internes et peu importantes, puis disparaissant dans l’espace de quelques siècles devant le christianisme, où elles se sont en partie incorporées.

Pour étudier avec fruit le mouvement spontané des religions aryennes, c’est donc en Asie qu’il les faut chercher : les mythologies ne s’éclairent que par la comparaison avec les dogmes et les cultes orientaux. Quant aux débris qui s’en sont conservés dans les traditions populaires de l’Europe, ils seraient tout à fait inintelligibles, si l’on n’en cherchait l’origine et la signification dans le Vêda ; mais, depuis leur arrivée dans l’Inde jusqu’à la propagation de la foi bouddhique, les Aryas du sud-est ont vécu séparés de l’Occident. La chaîne de montagnes qui, vers le noyau central des monts d’Asie, se détache du grand diaphragme de Dicéarque, qui de là descend vers le sud jusqu’à la mer, sépare le bassin de l’Indus des provinces occidentales. Au nord, l’Himalaya présente une barrière infranchissable ; le seul passage qui permette de communiquer par terre de l’Inde en Occident se trouve vers Attock et conduit dans le bassin de l’Oxus : c’est par là que les Aryas des temps védiques étaient descendus sur le Sindh. Par mer, les plus anciennes relations de leurs descendans avec les Sémites datent des rois d’Israël et sont postérieures à Râma, le héros de l’une des grandes épopées brahmaniques. Ces relations étaient exclusivement commerciales, et, selon toute vraisemblance, ne pénétraient pas au-delà des rivages de la terre ferme et de l’île de Ceylan.

Quand se manifesta, au VIe siècle avant Jésus-Christ, la révolution bouddhique préparée depuis bien longtemps, les influences du dehors ne s’étaient exercées sur les religions brahmaniques que dans des proportions insignifiantes et tout au plus par l’introduction de quelques légendes plutôt poétiques que sacrées, comme celle du déluge. La science tient aujourd’hui pour un fait démontré que le bouddhisme fut produit par des causes internes agissant spontanément dans la civilisation brahmanique. Au temps du roi Louis XIV, les ambassadeurs siamois qui vinrent à la cour de France étaient bouddhistes ; l’attention se porta sur la religion de ces hommes, qui parurent très civilisés : on connut le nom de Samanacodom (en sanscrit çramana Gautama), qui n’est autre que le Bouddha. Les ressemblances extraordinaires qui furent remarquées entre la religion des Siamois et le catholicisme firent supposer qu’elle venait d’une ancienne secte chrétienne, celle des nestoriens. La connaissance des livres bouddhistes de Siam et de Ceylan rectifia une première fois cette erreur ; plus tard, les manuscrits du Népal apportés en Europe et la connaissance du bouddhisme tibétain et chinois, ne permirent plus de douter que le Bouddha Çâkyamuni