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dévouement à lui offrir que d’attendre, de respecter et de servir ses résolutions, quelles qu’elles soient. » Situation singulière : ce pouvoir temporel, auquel on n’hésite pas à prêter pendant quinze ans les soldats de la France, on se fait scrupule de lui donner une exhortation, un conseil ! On lui transporte l’infaillibilité du pouvoir spirituel ; on lui accorde une obéissance aveugle et passive ! M. de Falloux ne s’aperçoit-il pas qu’une façon pareille de traiter le pouvoir temporel recommande mal les protestations qu’il élève contre la convention du 15 septembre au nom d’un libéralisme inconséquent qui ne sait que fermer les lèvres et s’incliner devant les résolutions de Rome ?

S’interdisant toute appréciation des résolutions que la cour de Rome est appelée à prendre, M. de Falloux se borne à répéter de vaines critiques des faits accomplis en Italie depuis 1859, à blâmer les motifs sur lesquels le gouvernement français appuie la convention, et à déplorer l’évacuation de Rome par nos troupes. Nous ne dirons point que toutes les critiques de M. de Falloux manquent de trait et d’à-propos. Aux reproches qu’on fait au pape de n’avoir accompli aucune des réformes qui lui ont été conseillées, M. de Falloux répond par de piquantes représailles. « Quoi ! Vous vous plaignez de vos conseils méconnus ! mais le plus puissant de tous, le conseil de l’exemple, pourquoi donc ne l’avez-vous pas donné ? Est-ce que faire briller la liberté en France ne fut pas toujours le meilleur moyen de la faire rayonner en Europe ? Quoi ! Pie IX… est un rétrograde, relaps, incorrigible, et vous, vous parlez au nom d’un gouvernement qui a pour régime une double sanction populaire, qui commande l’armée la plus vaillante, qui dirige la centralisation la plus précise et la plus rapide, et qui cependant ne se croit pas encore en mesure de donner à Paris un conseil municipal librement élu, de renoncer à la loi de sûreté générale, de relâcher les liens de la presse, de rendre aux députés le droit d’initiative, de diminuer la pression officielle sur les élections, etc. ! » La riposte, à coup sûr, est de bonne guerre ; il est bon que du côté clérical aussi bien que du côté libéral on rappelle au gouvernement que la logique et la consistance de sa politique en Italie lui commandent d’aviser au progrès de nos institutions intérieures.

Toutes ces épigrammes, qui portent souvent juste, ne réussissent point cependant à cacher la stérilité de la conclusion de M. de Falloux, qui se réduit à ce regret : il fallait laisser à Rome indéfiniment la main armée du gouvernement français ! — Une politique qui aboutit à un si triste refrain est-elle vraiment une politique ? M. de Falloux par le souvent du sentiment de l’honneur ; en vérité, on ne comprend pas l’idée que M. de Falloux et ses amis se font de l’honneur de la cour de Rome. Est-il donc si honorable de prétendre que l’on ne peut vivre sans l’appui incessant de l’étranger ? est-il si honorable d’invoquer à perpétuité la protection armée d’un gouvernement qu’on raille avec tant d’entrain ? On se méprend sur l’honneur du saint-siège, comme on se méprend sur les conditions prétendues de son