Revue, M. P. Scudo. C’est dans la Revue des Deux Mondes que M. Scudo a rempli une carrière d’écrivain que les amis de l’art musical n’oublieront point. Nous ne parlerons pas du talent de M. Scudo ; artiste sincère, connaisseur érudit et délicat, amateur passionné, M. Scudo a pu porter quelquefois dans sa critique une vivacité qui n’a pas dû laisser chez de véritables artistes de durables ressentimens. Curieux tempérament, dans un temps comme le nôtre, que celui d’un homme rapportant tout à l’art, la religion, la philosophie, la politique, ses amitiés et ses haines, si l’on pouvait donner ce nom cruel à des dissidences esthétiques ! La vie de M. Scudo a ressemblé par momens à un pèlerinage à la façon de Wilhelm Meister. Né à Venise, élevé à Vienne, vaguant en Allemagne, professeur dans l’école de Choron, Un accident de voyage lui fit trouver à Vendôme, chez une honorable famille éprise de littérature et d’art, une amitié hospitalière et constante qui a été le soutien discret et l’honneur de sa vie. Ce sont ses hôtes de Vendôme qui ont soigné pieusement M. Scudo dans la maladie qui l’a frappé d’une mort prématurée.
E. FORCADE.
Il faut s’attendre aux contrastes quand on cherche à suivre dans son ensemble le théâtre contemporain. D’une comédie telle que le Marquis de Villemer, nourrie de hautes idées, de sentimens nobles ou charmans exprimés dans une langue pure et poétique, il faut quelquefois passer brusquement à ces pièces de genre d’un caractère mixte, qu’enfante aujourd’hui dans le désordre la littérature dramatique issue des diverses tentatives radicales essayées depuis 1825. Si de pareilles pièces n’ont qu’une fortune éphémère, les belles comédies, en revanche, ne passent point du jour au lendemain. La scène qui a eu le bonheur de s’en emparer les retient, de l’aveu du public, aussi longtemps qu’il lui est possible, et c’est ainsi que le Marquis de Villemer, qui a obtenu l’année dernière un succès si brillant à l’Odéon, y reparaît encore cette année dans tout son éclat. C’est le propre des œuvres excellentes de se prêter sur la scène à différentes interprétations également heureuses et d’occuper encore la critique à ce point de vue, alors qu’elle croit avoir épuisé tous les éloges. George Sand avait trouvé dès l’abord et a encore rencontré depuis pour traduire sa pensée dramatique deux artistes d’une intelligence et d’un mérite éprouvés. Berton avait donné au personnage du duc d’Aleria une aisance, une rondeur, une gaîté de bon aloi. Brindeau, en qui s’incarne depuis la reprise de la pièce le type du viveur de bonne race, a compris et rendu le rôle avec non moins de finesse et d’originalité. Son talent y a saisi des nuances différentes et tout aussi vraies : il accuse un peu moins peut-être la franche désinvolture des façons et du caractère du gentilhomme dissipé ; mais il nous semble qu’il accentue davantage les autres côtés, qu’il donne une certaine expression voilée de mélancolie aux réveils d’âme et de sentiment du pécheur, et, pour notre part, le duc d’Aleria nous serait volontiers plus sympathique