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nos modèles et de la propagande que notre industrie a exercée au-delà de nos frontières, au point de nous créer de redoutables rivaux, nous devons en même temps veiller à ce que la suprématie qui est pour nous une gloire nationale ne nous échappe pas. Pour conjurer le péril, on compte trop, à ce qu’il semble, sur l’action du gouvernement. Celui-ci ne saurait à lui seul, comme on le lui demande, semer les écoles de dessin et les musées sur toute la surface du territoire. Il faut que les villes manufacturières, que des réunions de fabricans, fassent, dans leur propre intérêt, des sacrifices nécessaires. Le rôle de l’état doit se borner à la direction de l’enseignement supérieur.

Il en est de même pour les autres branches d’industrie. À la vue des produits si perfectionnés que l’on admirait dans le palais de Kensington, les jurés français ont pensé avec raison que la puissance industrielle de chaque nation dépendra, à l’avenir, non plus seulement des avantages naturels attachés à la possession des matières premières et du combustible, ou à l’abondance de la main-d’œuvre, mais, en première ligne, du degré de science et d’instruction auquel sera portée la pratique manufacturière. Avec la facilité et l’économie des transports, avec le développement, des relations commerciales, les régions privées de la matière première peuvent se la procurer à peu de frais ; avec l’emploi des machines, le nombre des bras importe moins que par le passé. Ce qui importe pardessus tout dans la période de transformation dont nous sommes témoins, c’est que patrons et ouvriers soient familiarisés avec les principes de la science mécanique, dont l’application est devenue générale, c’est qu’ils connaissent parfaitement l’outillage nouveau avec lequel ils travailleront désormais. De là les vœux exprimés dans la plupart des rapports du jury pour l’extension de l’enseignement industriel et professionnel. M. le général Morin et M. Tresca ont consacré à cette question un rapport spécial, qui est sans doute le point de départ des études auxquelles se livrent en ce moment les ministres du commerce et de l’instruction publique pour organiser sur de plus larges bases cette branche d’enseignement : problème assurément très difficile, presque insoluble, si l’on prétend qu’en pareille matière l’état puisse tout faire, et si l’intervention des associations particulières et des fabricans eux-mêmes n’y est point appelée à jouer le plus grand rôle. Quoi qu’il en soit, et sans préjuger le mérite de propositions qui seront le fruit d’un examen très approfondi, nous n’avons à relever ici que la nécessité, unanimement proclamée, d’une instruction professionnelle plus libéralement répandue, tout aussi bien parmi les patrons que parmi les ouvriers, nécessité évidente qui nous apparaît comme un hommage