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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 54.djvu/725

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avec le législateur, afin de perfectionner l’éducation de la jeunesse au sein de notre nation, accepteront avec joie toute mesure nécessaire pour atteindre un but dont l’importance est capitale. » La loi fut votée le 15 mars 1844. Elle réduisit le travail des enfans au-dessous de treize ans à six heures et demie par jour au lieu de huit heures ; en même temps elle leur imposa trois heures d’école par jour au lieu de deux heures, dont la loi de 1833 se contentait, et put leur permettre, à la suite de ces réformes, d’entrer à huit ans dans les ateliers, qui jusque-là ne leur étaient ouverts qu’à partir de neuf ans.

Tel est le régime appliqué depuis dix ans en Angleterre, et qui n’a pas jusqu’ici amené la ruine de nos voisins. Nous pourrions aussi, pour montrer qu’on gagne toujours à tenir compte de l’étendue des forces humaines et que la qualité peut aisément compenser la durée, tirer un argument du bill de 1847, qui limite à dix heures le travail même des adultes ; mais nous ne voulons parler que des enfans, sans entrer dans la question, fort différente à beaucoup d’égards, de la limitation du travail des adultes. On nous permettra seulement de rappeler à cette occasion qu’en 1829 les hommes d’état les plus éminens de l’Angleterre affirmaient que la prospérité industrielle de la nation serait compromise, si on réduisait à moins de douze heures, non pas le travail des femmes comme en 1844, ou celui des adultes, comme en 1847, mais celui des adolescens : tant les idées simples et justes ont de peine à faire leur chemin !

Maintenant, après avoir rappelé qu’en Prusse, depuis la loi de 1839, les enfans ne sont pas admis dans les manufactures avant l’âge de neuf ans, que le travail des adolescens y est réduit à soixante heures par semaine, et que l’Autriche et la confédération germanique sont également entrées dans la voie de la réglementation, nous allons indiquer rapidement ce qui a été fait en France, et il nous sera trop aisé de montrer les lacunes et les vices de la législation actuelle.

Dans ses nouveaux Principes d’économie politique, publiés en 1819, Sismondi va bien plus loin que Wilberforce, lord Ashley et sir James Graham. Partant de cet axiome « que les ouvriers donnent, en retour du salaire qui leur est allouée tout ce qu’ils peuvent donner de travail sans dépérir, » il établit que le salaire des enfans est pris sur celui du père et n’augmente pas d’une obole le revenu total de la famille. « C’est donc sans profit pour la nation, dit-il, que les enfans des pauvres ont été privés du seul bonheur de leur vie, la jouissance de l’âge où les forces de leur corps et de leur esprit se développaient dans la gaîté et la liberté. C’est sans profit pour la