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caucus républicain d’une petite ville du Massachusetts, La réunion avait lieu le soir dans la maison commune. Je m’y rendis à la lueur d’une faible aurore boréale. L’arche surbaissée d’où partaient des rayons mobiles qui parfois montaient jusqu’au zénith jetait une lumière pâle et troublée sur les petites collines couvertes de cèdres nains, sur les blanches maisons, sur les murs de pierres amoncelées qui forment toutes les clôtures dans le Massachusetts. Le caucus n’était ni nombreux ni animé. On s’occupa des préparatifs d’un meeting populaire où se réuniraient tous les partisans de M. Lincoln, et l’on nomma ensuite des candidats aux fonctions de conseiller municipal. On désigna un candidat par district scolaire (school-district). La commune n’avait pas moins de huit écoles pour une population de huit mille habitans, répandus, il est vrai, sur une grande superficie de terrain. L’école est dans toute la Nouvelle-Angleterre l’agglomération élémentaire qui sert de base et d’appui à la commune. Elle est ainsi le berceau des institutions civiles, et l’éducation primaire est la source de l’éducation politique ?

Pendant que les républicains avaient leur caucus dans une chambre de la maison commune, les démocrates étaient réunis en comité dans une autre salle. Jamais l’entrée de l’édifice municipal n’est refusée à une réunion de citoyens pour un motif politique. Tous les partis ont besoin de la liberté : triomphans, ils ne songent pas à priver leurs adversaires des droits qu’ils ont invoqués hors du pouvoir. Quelques jours avant que la convention républicaine se réunît à Worcester dans la belle salle de Mechanic’s-Hall, les démocrates de l’état y avaient tenu leur convention générale. À Boston, un Français nommé Faneuil légua, longtemps avant la guerre de l’indépendance, à la municipalité de la ville une somme d’argent considérable avec laquelle fut bâti Faneuil-Hall, qu’on a souvent appelé le berceau de la liberté américaine. Là se firent entendre les premières voix qui protestèrent contre les actes tyranniques du gouvernement anglais ; de là, les premiers abolitionistes purent parler au peuple américain, quand leur voix était partout ailleurs étouffée. Pendant la période de la campagne présidentielle, il se passait à peine une soirée sans que Faneuil-Hall ouvrît ses portes, tantôt aux républicains, tantôt aux démocrates. À la faveur des libertés illimitées dont ils jouissent, les partis politiques peuvent se donner aux États-Unis une très puissante organisation : les assemblées primaires, les conventions de district, les conventions d’état, les conventions générales, forment une sorte d’organisme soutenu et réglé par l’esprit de parti, comme le système solaire est gouverné par la gravitation. L’esprit de parti, au lieu de se montrer destructeur comme dans les pays où il n’est point réglé, devient au contraire