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griefs, que d’irritations regrettables on évitait par la ! Chose étrange, c’est par appréhension de ces griefs, de ces irritations, c’est pour se délivrer de discussions embarrassantes, pour éviter les questions personnelles, qu’on a conduit l’affaire en toute hâte et en secret, presque comme un complot ; on croyait que le fait accompli couperait court à toute résistance, à toute réclamation. L’événement a prouvé le contraire. Évidemment il aurait mieux valu user de plus de courtoisie envers ceux qu’on voulait dépouiller : ils n’auraient pas crié plus fort, et, bruit pour bruit, en les avertissant, on aurait mis de son côté le bon droit et la bienséance.

Mais nous n’aurions rien fait ! s’écrient les partisans de la mesure. Annoncer nos projets, c’était déchaîner la tempête. Nos adversaires avertis auraient remué ciel et terre, et devant ce conflit la main qui signe les décrets se serait prudemment abstenue. Il n’y avait donc pas de milieu, c’était à prendre ou à laisser ; il fallait renoncer à tout ou procéder avec mystère. À quoi nous répondons que le plus sûr moyen, l’infaillible recette d’avoir pour soi l’opinion d’abord et par elle cette main qui signe les décrets, c’était de dire tout haut, d’annoncer franchement le projet de réformes, et, bien mieux, d’en saisir directement, publiquement ces adversaires qu’on redoutait si fort. Avec ménagement, mais avec fermeté, on les eût invités à exécuter de bon accord, dans l’intérêt des arts, ce qu’il y avait d’évidemment utile dans les innovations qu’on méditait, et alors de deux choses l’une, ou ils se seraient rendus de bonne grâce à cette mise en demeure, ce qui simplifiait tout, ou leur refus, à supposer qu’il fût possible, autorisait atout, sans leur laisser un mot à dire.

Pourquoi donc n’avoir pas suivi une marche si naturelle ? Pourquoi cette brusquerie qui fait notre étonnement ? On nous en donne la raison ; citons les termes officiels, les paroles de M. le ministre de la maison de l’empereur. « Si mon administration, a-t-il dit[1], n’a pas consulté l’Académie des Beaux-Arts lorsque l’étude dont ces réformes ont été l’objet m’a été présentée, l’Académie ne doit s’en prendre qu’à elle-même. »

Qu’est-ce à dire ? L’illustre compagnie a donc tout récemment commis quelque imprudence, laissé lire clairement au fond de sa pensée, émis un vote, prononcé des paroles qui lui défendent d’accepter même une discussion touchant la moindre atteinte à ses prérogatives ? Rassurez-vous ; M. le ministre va vous dire ce qu’il entend par ces mots : l’Académie ne doit s’en prendre qu’à elle-même. Sachez qu’un certain jour, il y a trente-trois ans, un ministre de la

  1. Le 26 décembre 1863. Voyez le Moniteur.