Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 54.djvu/863

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

attaché comme gardien de troupeaux à une station de moutons trouvait, à demi enterré dans le sol, un des plus beaux nuggets dont il ait jamais été question dans le monde, une masse d’environ 40 kilogrammes d’or presque pur enveloppé dans une gangue de quartz, toute une fortune dans une pierre informe près de laquelle bien d’autres bergers étaient peut-être passés sans y prendre garde. Rien n’était plus propre à surexciter la fièvre de l’or dans la colonie. La richesse n’était plus le fruit du travail : il suffisait d’une chance favorable dans une loterie où les gros lots pouvaient se trouver en nombre infini. Ce ne furent plus seulement les habitans des villes voisines qui se rendirent sur les terrains aurifères de la Nouvelle-Galles du Sud ; des provinces plus éloignées accoururent aussi tous les hommes que séduisaient de tels hasards.

Parmi les provinces qui composaient alors les établissemens anglais de l’Océan austral, l’une d’elles, la Victoria, traversait à cette époque une période assez critique. Déjà prospère et peuplée de 77,000 habitans disposant d’un budget spécial de plus de 9 millions de francs, elle venait d’obtenir d’être séparée de la Nouvelle-Galles du Sud, et les autorités locales qu’elle allait avoir pour elle seule s’embarquaient pour Melbourne au moment même où la nouvelle de l’heureuse découverte se répandait dans les rues de Sydney. Qu’allait devenir cette nouvelle colonie ? N’était-il pas à craindre que l’émigration en masse de ses habitans, attirés par les mines d’or, ne lui fît perdre, en quelques mois l’importance qui lui avait valu une existence indépendante ? Les principaux citoyens de Melbourne, sentant le danger dont cette désertion les menaçait, se réunirent en comité et décidèrent d’offrir une récompense de cinq mille francs au premier qui signalerait des terrains aurifères sur leur propre territoire. C’était peu en comparaison des merveilleux résultats que promettait la découverte elle-même ; mais l’éveil était donné, et le succès ne se fit pas attendre.

Les ruines de Ballarat furent annoncées d’abord, mines si riches que 10,000 ouvriers trouvèrent tout de suite une place sur ce champ d’or d’une étendue immense ; puis, à peu de jours d’intervalle, on ouvrit les diggings du mont Alexander, autre région non moins abondante, et enfin ceux de Bendigo, où pendant l’hiver de 1852 se pressaient 50,000 mineurs, presque tous heureux et réalisant quelquefois un gain de cent mille francs en quelques jours. Les champs d’or de la Nouvelle-Galles du Sud n’étaient plus rien au prix de ceux qui venaient d’être révélés : ceux même de la Californie étaient pauvres en comparaison. En certaines parties du ravin de Bendigo, on ramassait sa charge d’or rien qu’en grattant le sol et en le passant au tamis. Ces découvertes eurent lieu en décembre