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et le jour était venu peut-être, sans toucher aux fondemens de ce vieil édifice, sans rien détruire et sans rien ébranler, d’y porter un peu de vie nouvelle, de l’ajuster à nos besoins.

Ainsi nous ne répondons pas que M. le surintendant des beaux-arts n’ait eu quelque raison de dire (dans la préface du décret) que certaines leçons, certains cours journaliers n’étaient pas toujours faits avec la même exactitude dans tous les mois de l’année, et que parfois le professeur, sobre de corrections, ne poussait pas très loin sa promenade à travers les bancs. Et comment en effet ces douze associés, chargés, chacun pour un douzième, de la tâche commune, s’en seraient-ils acquittés, les uns comme les autres, avec la même dose de dévouement et d’attention ? Une fonction qu’on n’exerce qu’à si long intervalle et pour si peu de temps, peut-on la prendre en goût ? Peut-on s’y dévouer ? Historiquement parlant, rien de plus simple à expliquer que ce professorat par douzièmes. Il naquit, comme on sait, avec l’Académie, dont les douze premiers fondateurs, les douze anciens, pour obtenir[1] le privilège de créer une corporation supérieure au corps de la maîtrise et à l’abri de ses persécutions, avaient accepté la charge à peu près gratuite d’enseigner la jeunesse, de poser le modèle et de faire la leçon. Pour rendre le fardeau plus léger, ils se l’étaient entre eux également réparti, et chacun avait fait son mois à tour de rôle. L’usage en persista tant que dura l’ancienne Académie ; puis après la révolution, lorsque l’École sortit de ses ruines, séparée désormais de l’Académie nouvelle, qui renaissait de son côté comme classe de l’Institut, elle n’en reprit pas moins ses primitives habitudes, et l’enseignement collectif et fractionné fut rétabli sans objection. Assurément rien n’est plus respectable qu’une coutume aussi persévérante ; mais peut-on faire au culte du passé un sacrifice indéfini ? En principe, il est bon, surtout pour la jeunesse, de changer de maître quelquefois, de n’être pas toujours corrigé de la même façon, d’échapper à la tentation de trop aimer son guide et de le suivre de trop près, il est bon que de temps en temps on passe forcément sous une autre influence ; mais douze fois par an, c’est évidemment trop. De si fréquentes mutations jettent dans les études un va-et-vient fâcheux : l’élève n’a pas le temps de connaître son maître, de bien comprendre ses conseils, d’en essayer l’application ; le maître, de son côté, ne peut s’attacher à l’élève, s’assurer s’il en est compris et prendre à ses progrès un intérêt durable. Nous aurions donc voulu transiger avec la tradition, maintenir sans parcimonie ce large corps de professeurs qui a toujours constitué l’École,

  1. Par arrêt du conseil, sous la régence d’Anne d’Autriche (1648).