Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 54.djvu/882

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des parois du puits et autres matériaux, sans compter les salaires des sociétaires, qui pouvaient bien être évalués à une somme au moins équivalente. Pendant les quinze mois qui suivirent, ils récoltèrent pour plus de quinze cent mille francs de métal. Leurs galeries s’étendaient déjà à 500 mètres de la base du puits ; mais comme les limites de leur concession étaient encore très éloignées de ce point, on calculait qu’ils pouvaient compter sur un produit à peu près aussi important pendant plusieurs autres années.

Assurément toutes les compagnies ne réussissent pas aussi bien que celle-ci ; mais on en connaît beaucoup qui sont déjà en pleine activité. Les mauvaises chances d’une telle entreprise consistent dans l’incertitude ou l’on est sur la véritable situation de la veine qu’il s’agit d’atteindre. Les minerais aurifères reposent dans le lit des litières de l’époque silurienne, et les vallées de ce temps n’ont aucune corrélation avec celles de l’époque présente. La configuration actuelle du terrain ne donne donc aucun indice utile ; mais lorsqu’un premier puits a atteint la veine et en a constaté la direction, tous ceux qui seront creusés à la suite dans cette même direction ont des chances très favorables. Les règlemens intérieurs que les mineurs se sont imposés ont fixé d’ailleurs l’étendue que chaque société peut réclamer le long de la veine, afin que l’une d’elles ne puisse s’approprier indûment une part trop grande du terrain aurifère. Néanmoins, l’allure des filons formant souvent des méandres ou des îles, comme le lit des fleuves, il n’est pas rare que deux compagnies voisines réclament la propriété d’une même partie de la veine. C’est ce qui advint en 1860 à deux sociétés rivales dans le voisinage de Ballarat ; quoique la cour des mines les eût condamnées à partager les fruits du filon contesté, elles obtinrent toutes deux un résultat magnifique. Leurs dépenses totales s’étaient élevées à 270,000 francs, salaires compris, et le produit total ne fut pas moindre de 800,000 francs. Elles avaient mis quatre ans à creuser leurs puits à 120 mètres au-dessous de la surface.

Si de Ballarat on se dirige vers le nord, on traverse, sur un parcours de cent kilomètres environ, jusqu’à Sandhurst, capitale du district de Bendigo, toute une contrée que les terrains aurifères ont enrichie et fertilisée. Entre ces deux villes s’étend la chaîne de montagnes que l’on a nommée un peu prétentieusement les Pyrénées australiennes, quoique ses crêtes ne s’élèvent guère qu’à mille mètres au-dessus de la mer. Dans chaque ravin, on aperçoit les terres bouleversées et les puits à moitié comblés qui attestent le passage des mineurs. Des villes de 2,000 à 10,000 âmes, Creswick, Ararat, Maryborough, Castlemaine, Maldon, sans compter une foule de villages de création plus récente, prouvent par leur prospérité