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brusquement l’organisation de l’église chrétienne, organisation que l’on croirait calquée sur celle du clergé bouddhique, si l’on ne savait qu’elle eut en partie pour modèle cette sorte de religion politique dont l’empereur romain était le souverain pontife, et qu’elle naquit du besoin d’unité qu’éprouvait la société chrétienne quand elle n’était encore qu’une société secrète et souvent persécutée. Nous n’avons pas à retracer ce que tout le monde peut voir : les églises chrétiennes, et par-dessus toutes l’église catholique, offrent un sacerdoce dont la hiérarchie va se fortifiant d’année en année à mesure que l’autorité du chef est reconnue seule comme la source de tous les pouvoirs sacrés.

Ainsi donc la morale et le sacerdoce, qui sont deux parties importantes des religions modernes, apparaissent de plus en plus restreints à mesure qu’on remonte la série des siècles. À un certain moment de l’histoire, qui n’est pas le même pour tous les peuples, ils disparaissent entièrement. Il ne reste plus alors, comme élémens essentiels des religions, qu’un fait intellectuel, le dogme, et un acte extérieur, le culte.

Comme la science des dogmes et des cultes ne peut se faire qu’en remontant le cours des années, elle a nécessairement pour point de départ l’état présent des religions. Le premier chapitre de cette science est une simple exposition de ce qui existe, le second fait partie de l’histoire. Or les faits présens ne peuvent évidemment trouver leur explication que dans ceux qui les ont immédiatement précédés, à moins que l’on ne considère l’histoire de l’humanité comme une série non interrompue de miracles, ce qui est contraire à la science. La raison humaine, réduite à sa formule la plus simple par la psychologie moderne, n’est au fond que l’idée de Dieu ; seulement cette idée ne peut parvenir à toute sa clarté que par une suite d’analyses qui la dégagent peu à peu du milieu où elle est enfermée. Ces analyses ne se font pas en un jour, elles demandent au contraire beaucoup de temps : chaque philosophe les exécute pour lui-même d’après des méthodes connues ? mais l’humanité met des siècles à réaliser la moindre d’entre elles. À chaque pas qu’elle fait, elle se donne à elle-même une définition de Dieu plus exacte que celles qui avaient précédé, mais à laquelle elle ne saurait s’élever, si celles-là n’avaient pas été données auparavant. Celui qui n’admet pas ce principe ne peut rien comprendre à l’histoire des religions, lesquelles sont soumises, comme toutes choses ici-bas, à la loi de la succession et de l’enchaînement. Une découverte ne peut avoir lieu que si elle succède à une découverte antérieure, à laquelle elle se trouvé liée comme le foyer enflammé à l’étincelle qui l’a fait naître. L’idée de Dieu chemine à travers les siècles toujours identique