Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 54.djvu/993

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

religieuse. Ne connaissant pas assez les origines orientales des peuples européens, il a cru que la partie extérieure des cultes chrétiens et la doctrine fondamentale de la pluralité des personnes divines sont autant de débris du paganisme ; il n’a vu dans le christianisme qu’un compromis entre les cultes grecs et le judaïsme, concluant que la fonction des Juifs continue d’être la conservation de la vérité religieuse primitive et pure, et qu’Israël est toujours le peuple de Dieu. Selon lui, la portion du christianisme qui procède des Grecs et des Latins est destinée à disparaître, et ainsi les nations chrétiennes se trouveront ramenées à la doctrine de Moïse : fausse conclusion, procédant d’une vue incomplète de la réalité, comme si les nations, en religion plus qu’en toute autre chose, retournaient jamais en arrière, et comme si le christianisme pouvait revenir à son point de départ, renonçant à toutes les vérités qu’il a affirmées le jour où il s’est séparé du judaïsme et à celles qu’il a conquises dans les siècles suivans. Si une transformation radicale devait s’opérer dans la doctrine chrétienne, elle aurait plutôt lieu en sens contraire, de ce qu’imagine M. le docteur Philipson, car les peuples chrétiens appartiennent presque tous à la race aryenne, dont le génie n’a pas moins de persistance que celui des Sémites et possède une énergie scientifique supérieure à celle des descendans d’Israël. D’ailleurs la réformation que M. Philipson place dans l’avenir a été tentée, il y a douze cents ans, au sein même des races sémitiques, c’est-à-dire dans les conditions les plus favorables à l’expulsion de l’élément aryen. Cette tentative a produit le Koran, dont la doctrine à certains égards est supérieure à celle des Juifs, mais est singulièrement dépassée par celle des chrétiens. Les Arabes et les Juifs forment dans l’humanité une section dont la race est pure et dont les religions n’ont que peu emprunté aux peuples étrangers : le monothéisme le plus exclusif est le fond de leurs croyances ; Dieu pour eux n’est pas seulement unique, il est un individu totalement séparé du monde, et dont l’unité personnelle est absolument indivisible, même en idée. C’est la seule race humaine qui ait conçu Dieu avec de tels caractères. Lorsque l’idée monothéiste est sortie de la race sémitique pour se répandre dans le monde aryen, chez les Grecs, les Latins, et plus tard parmi les peuples du Nord, elle a perdu entre leurs mains sa rigueur extrême et son inflexibilité. Quand les docteurs chrétiens, quand les pères grecs et latins ont développé et constitué la métaphysique chrétienne, ils ont parfaitement compris que la production du monde et son gouvernement ne sont intelligibles que si l’on fait de Dieu un être plus voisin du monde et par conséquent plus conforme à l’idée qu’en avaient toujours eue les hommes de race aryenne. Il est donc vrai de dire,