aussi M. de Bismark à la suite du discours de Blairgowrie ; il agit seulement cette fois avec un peu plus de vigueur que de coutume et selon les exigences impérieuses d’un moment aussi critique. Il chargea son ambassadeur M. de Bernstorff de provoquer une explication catégorique avec le principal secrétaire d’état et de lui dire que le cabinet de Saint-James, s’il désirait le maintien de la paix européenne, ferait bien de ne pas hasarder, même isolément, une déclaration que le gouvernement du roi Guillaume Ier ne pourrait regarder que comme « attentatoire aux intérêts de la Prusse. » Trois jours plus tard, et sans attendre le résultat des explications demandées au chef du foreign-office, M. de Bismark s’empressait de faire parvenir à Londres l’avis télégraphique que, d’après une communication confidentielle instantanément reçue de Saint-Pétersbourg, la cour de Russie regarderait une pareille déclaration, « devant avoir pour conséquence nécessaire la reconnaissance aux Polonais des droits de belligérans, » comme un casus belli… La Russie et la Prusse faisant un casus belli à l’Angleterre, que secondait la France et que pouvait au besoin rejoindre l’Autriche, — la menace était-elle bien sérieuse ? L’Angleterre, même isolée, privée de toute alliance, n’avait-elle pas ample raison de dédaigner une pareille bravade ? Étaient-ce par hasard les flottes réunies de Kronstadt et de Stralsund que pouvait redouter la Grande-Bretagne « derrière ses remparts de granit et d’airain ? » Et qu’aurait répondu dans une circonstance analogue un Chatham, un Pitt ou un Canning ? Néanmoins le visage de lord Russell s’assombrit singulièrement à cette communication du comte Bernstorff ; il s’assombrit beaucoup plus encore à la lecture d’une autre dépêche prussienne où M. de Bismark invitait le principal secrétaire d’état à prendre garde à sa démarche, — car si le tsar était déclaré déchu de ses droits sur la Pologne pour sa violation du traité de Vienne, les puissances allemandes pourraient bien aussi déclarer de leur côté le roi de Danemark déchu de sa souveraineté sur les pays de l’Eider pour n’avoir pas rempli tous les engagemens du traité de Londres… Le recitativo était donc au complet, et la note finale du Slesvig-Holstein ne manqua pas d’avoir, à ce moment surtout, quelque chose de singulièrement agaçant.
En effet, le différend dano-allemand était entré, vers ce même temps, dans une phase nouvelle et plus inquiétante que d’ordinaire. Déjà, au début de ces complications, dans sa dépêche du 9 mai, le très sagace agent anglais près la diète de Francfort, sir A. Malet, avait indiqué l’hiver comme l’époque où la valeureuse Allemagne s’enhardirait probablement à quelques mesures coercitives contre le Danemark, « la saison rigoureuse devant à ce moment rendre impossibles