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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/1062

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ils ne savent donc point que cette politique ne se dément jamais ! Il n’y a point en vérité de position plus fausse que celle de ces catholiques libéraux. La sincérité de leurs opinions politiques en devrait faire des gallicans résolus ; la fatalité des circonstances en fait des ultramontains suspects ; pour mettre d’accord leurs idées politiques et leur fidélité religieuse, ils sont réduits à commenter les bulles pontificales à la façon des jésuites, dont Pascal s’est moqué pour l’éternité. Ils demandent des transactions ; ils n’oseraient en offrir aucune, et vous les verrez refuser avec obstination la seule qui leur puisse être proposée.

À la veille des grands débats que ces questions vont soulever dans nos chambres, on a peu de penchant à s’arrêter aux petites escarmouches, telles que l’abus prononcé par le conseil d’état contre le cardinal Mathieu et M. de Dreux-Brézé, ou bien l’indiscrétion qui a livré à la publicité les lettres adressées par M. le nonce Chigi à M. Dupanloup et à M. Pie. L’appel comme d’abus appliqué à la publication des bulles non autorisées n’a plus de notre temps la signification et la portée qu’il a ait autrefois. Sous l’ancien régime, et au temps où furent rédigés les articles organiques, on entendait bien, en refusant l’autorisation de publier, interdire en fait la publication des documens pontificaux. Aujourd’hui, la défense de publier n’étant adressée qu’aux évêques et coïncidant au contraire avec la publicité la plus vaste donnée au manifeste du pape par les journaux, l’interdiction ministérielle et la censure du conseil d’état ne sont qu’une marque d’improbation donnée par le gouvernement et une petite vexation exercée contre les évêques. — Mais, dit-on, la loi existe, et il faut bien faire respecter les lois ! — C’est bien là un de nos travers : nous ne savons pas nous décider en France à laisser mourir les lois de leur belle mort, la désuétude. Les lois meurent cependant, il s’y faut résigner ; elles meurent quand leurs dispositions ne produisent plus les effets pour lesquels elles avaient été conçues, quand elles sont devenues incompatibles avec les mœurs, quand elles sont en contradiction avec l’esprit d’institutions politiques plus récentes. Nous aurons fait un grand pas vers la liberté lorsque nous aurons laissé périr une multitude de lois qui n’auraient jamais dû survivre aux régimes qui les avaient promulguées. Quant à l’incident des lettres de M ?’Chigi, il est vraiment inexplicable. On ne comprend pas qu’un envoyé de la cour de Rome se soit ainsi laissé prendre en faute contre une des règles les plus élémentaires du code diplomatique ; on ne s’explique pas qu’il ait oublié d’inscrire la formule particulière en tête des félicitations qu’il adressait à nos prélats ; on est surpris de ce défaut de modestie et de réserve qu’ont trahi des évêques en faisant imprimer dans les journaux les complimens qu’ils avaient reçus. Mgr Chigi a été durement morigéné. Sera-t-il rappelé ? La belle question ! Il sera peut-être moins malheureux qu’on ne pense. S’il perd la nonciature, il aura plus tôt le chapeau.

Après l’affaire romaine, la question sur laquelle le public attend avec le plus d’impatience les lumières du discours impérial et la manifestation de