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le visage desquelles le rayonnement de la beauté et du bonheur s’éteint tout à coup dans les anxiétés sinistres, de ces reines fascinatrices dont le malheur grave la saisissante image dans la mémoire des hommes, et ce ne sont pas même les révolutions qui ont été les premières à inaugurer brutalement ces exécutions sanglantes. Marie Stuart est le type de ces reines aux séductions toujours survivantes, et c’est une autre reine qui fait tomber sa tête, préludant au long parlement, qui fait tomber la tête de Charles Ier. L’esprit chercheur de notre temps, en fouillant dans le passé, a découvert les faiblesses de cette décevante reine qui va représenter en Écosse le catholicisme expirant sous le tout-puissant protestantisme anglais ; il a retrouvé le secret de ses fragilités, de ses passions, de ses complicités coupables, qui n’ont été effacées que par la captivité et par la mort. Et Marie-Antoinette, par la séduction et par la pitié, est une autre Marie Stuart, aussi brillante, aussi malheureuse que la première, mais plus pure, plus élevée, plus sérieuse, arrivant en un mot à l’heure de l’épreuve sans ce triste cortège de tout un passé personnel à expier.

Comme reine, comme femme, elle peut avoir ses faiblesses, ses troubles secrets, ses révoltes ; elle n’a point à s’humilier devant la mort, et s’il est une figure à laquelle le jour de l’histoire soit propice, qui ne souffre aucunement des divulgations les plus intimes, c’est celle-là. Elle se relève au contraire sous cette lumière nouvelle qui afflue aujourd’hui de toutes parts ; elle grandit dans cette correspondance que M. le comte d’Hunolstein livre à la curiosité contemporaine[1], dans ce vaste et copieux recueil de lettres, de documens inédits que va demander à toutes les archives de l’Europe le plus infatigable et le plus habile conquérant d’autographes, M. Feuillet de Conches[2], dans tous ces récits de l’affaire du collier, de la captivité du Temple et de la Conciergerie[3]. Ces lettres, libéralement multipliées et accompagnées d’une intéressante notice de M. Feuillet de Conches, ne sont pas l’histoire, elles l’éclairent et la complètent ; aux révélations qui se sont succédé sur les personnages du parti révolutionnaire, elles opposent ce qui se passait dans l’autre camp, ce qu’on pensait, ce qu’on sentait dans ce monde royal tout agité d’illusions et de découragemens, perdu d’indécisions et de velléités impuissantes. Louis XVI est le Roland de cette autre

  1. Correspondance inédite de Marie-Antoinette, par M. le comte Paul Vogt d’Hunolstein ; 1 vol. chez Dentu.
  2. Louis XVI, Marie-Antoinette et Madame Elisabeth, lettres et documens inédits publiés par M. Feuillet de Conches ; tomes I et II. Pion, éditeur.
  3. Marie-Antoinette et le procès du collier, par M. Emile Campardon ; 1 vol., Pion, éditeur. — Marie-Antoinette à la Conciergerie, pièces originales, par le même. — Histoire de Marie-Antoinette, par MM. de Goncourt ; Firmin Didot.