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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/212

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les riches, tuent les pauvres, et couvrent le sol de ruines. Les tempêtes du monde financier et celles du monde physique naissent et se propagent à peu près de la même manière. À la suite d’une série de beaux jours, la terre s’échauffe, l’atmosphère se charge d’électricité, les forces de la nature se tendent comme pour la lutte ; bientôt le ciel se couvre, l’orage se prépare, approche et se déchaîne enfin, ravageant des contrées entières dans son vol destructeur. Ainsi dans le domaine économique vient d’abord une période où tout favorise les entreprises les plus diverses ; la confiance est illimitée, l’or coule à flots ; les fonds publics, les valeurs haussent de prix ; l’intérêt baisse ; l’aisance, la prospérité pénètrent partout. Soudain un point noir paraît dans le ciel serein, la nuée sombre grandit, s’étend et menace ; la défiance se propage, le crédit se resserre, les bourses se ferment, l’argent disparaît, enfin la crise éclate, et passe d’un pays à l’autre, laissant partout des traces désastreuses de son passage.

L’étude purement théorique de ces grands bouleversemens économiques offrirait déjà un très vif intérêt ; mais ils commandent l’attention à un titre plus pressant, car ils atteignent et frappent plus ou moins toutes les classes de la société : les industries, pour qui les débouchés se ferment ; l’agriculture, qui vend mal ses produits ; les grandes compagnies, dont le chiffre d’affaires se restreint ; les spéculateurs, qui voient avec effroi s’affaisser les meilleures valeurs ; les artistes, que la commande délaisse ; les plus puissans états même, dont les impôts rendent moins, et jusqu’à l’humble ouvrière, qui s’aperçoit que l’argent devient rare sans qu’elle puisse deviner la raison de cette gêne dont chacun se plaint. Jadis les crises locales demeuraient circonscrites dans un cercle étroit ; aujourd’hui celles même qui sont produites par des causes locales ne tardent point à se généraliser. Les relations des peuples entre eux sont devenues si fréquentes, si intimes, que si, dans la circulation des valeurs qui enserre le globe entier de ses mille réseaux, il se produit quelque engorgement, quelque embarras, aussitôt le coup se répercute, et dans certaines circonstances donne naissance à une crise universelle. Il devient donc de plus en plus urgent d’étudier de près les lois qui président au développement de ces terribles phénomènes, afin d’arriver à connaître les causes qui les occasionnent et les symptômes qui les annoncent. Par l’examen persévérant des faits, les sciences naturelles ont réussi à découvrir la marche des grands courans qui sillonnent la profondeur des océans et la direction habituelle des vents qui soufflent à leur surface. Le baromètre et le télégraphe électrique leur permettent d’annoncer quelque temps à l’avance l’approche des ouragans, et le navigateur