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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/303

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convient encore qu’il sache sauter et courir… Un autre exercice noble est le jeu de paume. Et je n’estime pas à moindre mérite de savoir faire la voltige à cheval. » Ce n’étaient pas là de simples préceptes relégués dans la conversation et dans les livres ; les actions et les mœurs y étaient conformes. Julien de Médicis, qui fut assassiné par les Pazzi, est loué par son biographe non-seulement pour son talent de poète et son tact de connaisseur, mais encore pour son habileté à manier le cheval, à lutter et à jeter la lance. César Borgia, le grand politique, est aussi exercé aux coups de main qu’aux intrigues. « Il a vingt-sept ans, dit un contemporain, il est très beau de corps et grand, et le pape son père a grand’peur de lui. Il a tué six taureaux sauvages en combattant à cheval avec la pique, et à l’un de ces taureaux il a fendu la tête du premier coup. » C’est l’Italie en ce moment qui fournit l’Europe de savans maîtres d’armes, et dans les estampes du temps on voit l’élève nu, un poignard dans une main, une épée dans l’autre, qui du jarret à la nuque prépare et assouplit ses muscles comme un athlète et comme un lutteur.

Il le faut bien, la paix publique est trop mal gardée. « Le 20 septembre, dit un chroniqueur, il y eut un grand tumulte dans la ville de Rome, et tous les marchands fermèrent leurs boutiques. Ceux qui étaient aux champs ou dans leurs vignes revinrent en toute hâte, et tous, tant citoyens qu’étrangers, prirent les armes, parce qu’on affirmait comme chose certaine que le pape Innocent VIII était mort. » Le lien si faible de la société se rompait, on rentrait dans l’état sauvage, chacun profitait du moment pour se débarrasser de ses ennemis. Et ne croyez pas qu’en temps ordinaire on s’abstînt d’y toucher. Les guerres privées des Colonna et des Orsini s’étalent autour de Rome aussi librement qu’aux plus noirs siècles du moyen âge. « Dans la ville même, il se faisait beaucoup de meurtres et de pillages le jour et la nuit, et il se passait à peine un jour que quelqu’un ne fût tué… Le troisième jour de septembre, un certain Salvator assaillit son ennemi, le seigneur Beneaccaduto, avec qui pourtant il était en paix sous une caution de 500 ducats ; il le frappa de deux coups et le blessa mortellement, en sorte qu’il mourut. Et le quatrième jour le pape envoya son vice-camérier, avec les conservateurs et tout le peuple, pour détruire la maison de Salvator. Ils la détruisirent, et le même quatrième jour de septembre Jérôme, frère dudit Salvator, fut pendu. » Je citerais cinquante exemples semblables. À ce moment, l’homme est trop fort, trop habitué à se faire justice à lui-même, trop prompt aux voies de fait. « Un jour, dit Guichardin, Trivulce tua de sa propre main, dans le marché, quelques bouchers qui, avec l’insolence