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haut rang dans la cité. Exauce, exauce-moi, ô ma reine ; je viens à toi chargé de prières, parce qu’une cruelle nécessité me presse ; prête à ma voix une oreille favorable. »



Dans ces vers touchans, presque pathétiques par instans, on trouve l’attitude humiliée et l’accent contristé du pénitent, le sentiment douloureux de l’humaine misère, et aussi cet amour de la vie présente et de ses biens qui remplissait les âmes grecques[1]. Cependant le philosophe spiritualiste, le mystique fervent y parle plus haut encore que le païen dévot, et quand Proclus implore Athéné sa protectrice, c’est un autre dieu qu’il contemple et qu’il aspire à posséder. Quel était donc ce dieu ineffable ?

II.

On ne se propose pas ici d’exposer à nouveau la théodicée de Proclus telle qu’elle est développée dans la Théologie selon Platon, dans les Élémens de théologie et aussi dans les grands commentaires sur quelques dialogues de Platon, notamment dans les commentaires sur le Premier Alcibiade et sur le Parménide, qui étaient inédits avant M. Cousin. On voudrait seulement reproduire en quelques pages les traits essentiels des dernières doctrines néoplatoniciennes sur Dieu et sur les attributs divins, étudier à cette occasion les lois qui régissent et dominent la raison humaine, appliquée à la recherche de la cause suprême. Ces lois, qui constituent la méthode en théodicée, sont de nos jours méconnues ou contestées, non qu’elles soient à découvrir, mais peut-être parce qu’elles ne sont pas encore

  1. Il faut remarquer encore, à propos de cet hymne, que les premiers vers ont, au point de vue archéologique, un intérêt particulier aperçu et indiqué par M. Cousin lui-même dans une des notes de son avertissement. Proclus était à Athènes, on le sait, lorsque la Minerve d’or et d’ivoire fut enlevée du Parthénon par les chrétiens. Il avait donc contemplé, dans sa splendeur et au milieu du sanctuaire construit par Ictinus, le chef-d’œuvre de Phidias tel qu’il était sorti des mains du grand artiste. Les épithètes descriptives accumulées au début de l’hymne de Proclus doivent probablement rendre avec une certaine exactitude l’image de la célèbre statue. Et en effet Minerve y est appelée de plusieurs noms significatifs tels que porte-bouclier, habile à manier la lance, coiffée d’un casque d’or ; mais il n’y est pas question de la Victoire qu’elle portait sur sa main étendue selon Pausanias et Arrien, et qui était tout à fait admirable, au rapport de Pline. Cette Victoire, Quatremère de Quincy et M. Beulé en ont admis l’existence dans la composition du colosse, et nous l’avons admirée, posée comme un oiseau et battant des ailes sur la main gauche de la belle Minerve restituée par Simart sous la direction et aux frais de M. de Luynes. Pourquoi Proclus n’en parle-t-il pas, lui qui rappelle tous les triomphes d’Athéné et jusqu’à la défaite qu’elle infligea à la brûlante passion de Vulcain ? C’est là un point qui ne peut manquer d’attirer l’attention des archéologues. Nous n’avons pas à le discuter ici ; mais notre observation aura du moins fait connaître les divers genres d’importance de l’hymne à Athéné publié par M. Cousin.