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le semblable. « Nous connaissons, dit-il presque au début de la Théologie selon Platon, nous connaissons le sensible par la sensation, le vraisemblable par l’opinion, la vérité déduite par le raisonnement, l’intelligible par l’intelligence. » Jusque-là, cette psychologie est vraie et peut se justifier. Par malheur, le philosophe ne s’arrête pas dans sa marche. Il continue et dit : « De même c’est par l’unité (de notre nature) que nous connaissons l’Un parfait » Ce dernier principe est ce qui, dans Proclus, a particulièrement charmé Hegel : il signifie en effet qu’au plus haut de la connaissance l’esprit de l’homme ou le sujet est identique à son objet, c’est-à-dire à Dieu. Or l’identité du sujet et de l’objet est, comme on sait, une des propositions essentielles de l’hégélianisme. Il n’y a pas beaucoup de différence entre cette proposition et cette autre, assez moderne, que Dieu n’existe que dans l’esprit de l’homme. Pour Proclus, il est vrai, l’identification de l’âme humaine avec Dieu n’était point constante : elle ne s’opérait que par le suprême effort de l’extase. Toujours est-il qu’aux yeux du philosophe néoplatonicien cette unification se produisait au moyen de ce qui, dans notre âme, est purement un. Or cela ne se comprend pas. Lorsque la psychologie enseigne que l’âme humaine a certaines facultés intellectuelles, par exemple le raisonnement et la raison, lorsqu’elle ajoute que le raisonnement atteint tels objets et la raison tels autres, il n’est pas d’esprit un peu ouvert qui n’entende ce langage ; mais que l’unité, qui n’est qu’un caractère de notre âme, et qui ne saurait d’aucune façon être considérée comme une faculté de connaître, saisisse et conçoive l’unité de la nature divine, c’est une énigme métaphysique qu’il faut renoncer à déchiffrer.

D’ailleurs Proclus a jugé qu’il y avait lieu de démontrer l’existence de Dieu, et sur ce terrain il est plus aisé de le suivre. Cette partie de sa doctrine est remarquablement belle et forte : son génie analytique y déploie ses meilleures ressources. Il y a dans son argumentation quelque chose de l’essor de Platon, de la rigueur d’Aristote et de l’intuition sereine de saint Anselme. Ce n’est point que les trois preuves qu’il propose soient également saisissables et irréprochables en tout leur développement. La première en particulier, qui se fonde sur l’idée de l’unité, est obscure et subtile. Négligeons-la, et ne parlons que des deux autres, dont nous omettrons ce qui rebuterait absolument le lecteur. La seconde est appuyée sur la notion et le désir du bien. Tous les êtres, dit Proclus, désirent le bien ; or ce bien ne peut pas être identique aux êtres qui le désirent, car alors ces êtres seraient le bien lui-même, et n’auraient plus à désirer ce bien qu’ils posséderaient ; donc le bien est antérieur à tous les êtres qui le désirent. Ce raisonnement équivaut à