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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/672

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comme une vérité irrécusable que l’absence de la concurrence a seule permis cette exploitation, que le taux de l’intérêt n’a dépendu que de la volonté d’une institution faisant abus du monopole. — Il y a dans une pareille assertion une erreur de fait et une erreur de principe.

Pendant longtemps, la Banque de France avait eu pour règle une sorte de taux normal de l’intérêt fixé à 4 pour 100. Ainsi que l’a écrit dans la Revue Léon Faucher[1], « comme on avait commandé à la victoire, elle poussait l’illusion du privilège jusqu’à commander à l’argent. » Qu’en est-il résulté ? Le taux immuable de à pour 100, trop cher dans les temps d’abondance (à une époque où l’esprit d’entreprise et la facilité des relations commerciales n’avaient point pris encore le large développement qui les fait déborder aujourd’hui), éloignait les emprunteurs solides, tandis que dans les momens de gêne, quand l’intérêt montait beaucoup plus haut, tous les emprunteurs se précipitaient sur le réservoir de la Banque au risque de le vider, ainsi que cela eut lieu en 1847. La règle arbitraire de la fixité du taux de l’intérêt fut alors mise de côté, et l’on fit payer chez nous, comme partout ailleurs, l’argent ce qu’il valait, en mesurant la hausse et la baisse de l’escompte sur la pénurie ou sur l’abondance des capitaux.

Chose singulière, les écrivains qui exagèrent les avantages de la multiplication de la monnaie fiduciaire et l’économie qui doit en résulter pour la fortune publique se font les panégyristes d’une époque d’immobilité durant laquelle la Banque de France n’a guère fonctionné que comme banque de dépôt ; presque constamment l’encaisse métallique était alors au niveau des billets en circulation, quand il ne le dépassait pas. Le point culminant auquel s’est élevée la monnaie fiduciaire n’a pas été avant 1848 au-delà du chiffre moyen de 269 millions pour la Banque de France et les succursales, et de 86 millions 1/2 pour les banques départementales ; c’était donc un total de 355 millions de billets atteint en 1846 pour la France entière. La circulation a plus que doublé aujourd’hui ; elle se maintient au chiffre d’environ 800 millions, qui l’emporte de beaucoup sur celui de la Banque d’Angleterre. Cet accroissement énorme est dû à la confiance qu’inspire l’inébranlable solidité de notre grand établissement de crédit et à l’unité du signe fiduciaire, accepté partout comme la monnaie elle-même.

Le commerce a-t-il subi des conditions onéreuses ? les exigences de la Banque l’ont-elles condamné à payer un tribut énorme ? Pour répondre à cette question, simple en apparence et très complexe en

  1. La Banque de France el le taux de l’intérêt, 1er décembre 1853.