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L’APPRENTISSAGE
DES
JEUNES OUVRIERS DANS LA PETITE INDUSTRIE

Tout le monde est à peu près d’accord pour trouver que la France est trop administrée et trop réglementée. Le gouvernement lui-même semble être de cet avis, puisqu’il propose de réviser la loi du 4 mai 1855. On émancipera un peu les départemens et les communes; on ferait bien, pendant qu’on y est, d’émanciper aussi les individus, ne fût-ce que pour leur permettre de se livrer aux bonnes œuvres avec plus de dignité et de plaisir. Nos lois font à l’initiative personnelle une guerre impitoyable elles ont fini par rendre le dévouement ou impossible du difficile, et bientôt nous ne pourrons plus faire le bien que par voie de pétition.

Au milieu du courant d’idées qui entraîne les meilleurs esprits vers la décentralisation, il semble qu’on commette un anachronisme en demandant un redoublement de sévérité dans les lois qui limitent le travail des enfans; mais il n’en est rien, et la contradiction n’est qu’apparente. Personne ne songe à détruire la centralisation, ni à se passer de règlemens : on n’en condamne que l’abus. C’est violer la liberté que de réglementer le travail des adultes; c’est la servir que de protéger la santé et l’intelligence des enfans contre des calculs égoïstes et cupides.

La loi de 1841, en défendant aux parens de placer leurs enfans dans les manufactures avant huit ans révolus, gêne un peu la liberté des parens, et la même loi, en défendant de faire travailler ces enfans plus de huit heures par jour et de les faire travailler la nuit, gêne un peu la liberté des fabricans. Cependant n’est-ce pas une