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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/752

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REVUE DES DEUX MONDES.


La fileuse lui tend les bras :
— Ô mon amour ! ô Madeleine !
— Marchez tout doux, parlez tout bas,
Ma grand’mère s’endort à peine.

Près de la vitre, assis tous deux,
Ils causent. La fillette essuie
Sur le front de son amoureux
Les froides larmes de la pluie.

« — Je t’aime, ô chère enfant ! — Et moi !
À rêver de vous, moi, je passe
Les jours et les nuits. Ah ! pourquoi
Êtes-vous fils d’un garde-chasse ?

« Plus haut, plus grand que la forêt,
Entre nous deux un mur se dresse,
Et mon père me maudirait
S’il me savait votre maîtresse… »

Il l’interrompt et tour à tour
Il baise ses yeux bruns limpides…
Tandis qu’ils s’enivrent d’amour,
Les heures s’envolent rapides.

Le coq chante au loin. — « Coq maudit,
Tu mourrais, si j’étais ton maître ! » —
À l’orient le ciel blanchit,
La belle entr’ouvre la fenêtre.

L’orage a fui, le ciel est bleu,
Et l’alouette est réveillée.
Encore un baiser, puis adieu
Jusqu’à la prochaine veillée !

Prompt comme un cerf, l’amoureux part
Et disparaît dans la ramée…
Sur la clairière, un frais brouillard
Ondule comme une fumée.

Leur carnier vide sur le dos.
Les braconniers quittent la place,
Engourdis, trempés jusqu’aux os.
— Ni poil, ni plume, triste chasse ! —

Ils voient tout à coup le fourré
S’agiter. — À vous ! dit le père. —