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de longues et patientes recherches, qu’une grande partie de l’Amérique méridionale s’élève d’une manière incessante, les savans et les voyageurs n’ont eu qu’à confirmer le résultat de ses recherches.

C’est principalement sur les côtes du Chili que les traces du soulèvement général de la contrée sont de toute évidence. Au pourtour de maint promontoire, à l’issue de plusieurs des vallées qui découpent profondément les massifs montagneux du littoral, on distingue d’anciennes plages marines sur lesquelles des coquillages de l’époque actuelle, semblables à ceux qui vivent aujourd’hui dans les baies voisines, sont parsemés ou même entassés en couches épaisses. Ces plages, que des falaises ou des escarpemens de hauteurs diverses séparent les unes des autres, ressemblent aux marches d’escaliers gigantesques. On voit en les regardant que la côte ne s’est pas élevée d’un mouvement égal, et que des intervalles de repos relatif se sont écoulés entre chacune des étapes fournies par la masse grandissante des roches. Sur les collines de l’île de Chiloe, M. Darwin a trouvé des amas de coquillages modernes à 106 mètres de hauteur ; au nord de la Conception, plusieurs lignes de niveau, sculptées par les flots pendant la période actuelle, se montrent à une élévation de 190 à 300 mètres ; près de Valparaiso, elles n’ont pas moins de 395 mètres au-dessus du niveau de la mer, mais elles s’abaissent au-delà de la ville, et sur la frontière de la Bolivie elles dominent le niveau marin de 60 à 75 mètres seulement. Ainsi la poussée des roches se fait sentir surtout dans les régions du littoral qui se trouvent sous la même latitude que les sommets les plus élevés des Andes chiliennes, l’Aconcagua, le Maypu, le Tupungato. On peut en induire que ces hautes cimes indiquent le point central de la fraction d’écorce soulevée, et ne cessent de grandir elles-mêmes plus rapidement encore que les plateaux et les rivages situés au-dessous. En effet, au Chili comme en Norvège, les terrasses qui dominent d’anciennes baies ou des embouchures de vallées ne sont point horizontales comme elles le paraissent ; elles se redressent peu à peu vers les montagnes, et sont d’autant plus élevées qu’elles s’éloignent davantage des côtes actuelles. La force soulevante agit donc avec plus d’énergie sous les Andes chiliennes que sous les roches du littoral voisin. Les blanches cimes montent graduellement dans le ciel.

Des mesures trigonométriques poursuivies pendant une longue série d’années permettront plus tard de reconnaître cette croissance des colosses du Chili dans la région des neiges éternelles ; mais jusqu’à ce jour les seuls calculs établis au sujet de la rapidité du soulèvement des Andes reposent sur l’étude des rivages marins étendus à leur base. Par la comparaison de l’état actuel des choses avec les témoignages historiques, M. Darwin prouve que dans l’espace de