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troverse. De grandes discussions parlementaires où tous les organes des opinions du pays, où la voix surtout du gouvernement, devront se faire entendre, peuvent seules édifier et diriger la conscience publique sur ces immenses questions de l’avenir de l’Italie et de la papauté temporelle. L’écrit de M. Dupanloup a un mérite dont ses adversaires doivent lui savoir gré : il va au fond des choses, et par la force des coups qu’il porte il doit pousser le débat à ses conséquences extrêmes. L’espace nous manquerait aujourd’hui, quand nous en aurions l’ambition, pour opposer une réponse complète à M. l’évêque d’Orléans. Nous ne voulons que noter rapidement quelques-uns des faits, des points de vue ou des principes qui, suivant nous, créent entre l’éminent prélat et l’opinion libérale une division irréconciliable.

Et d’abord, pour juger la convention du 15 septembre, M. Dupanloup est amené à tracer une rapide histoire de l’Italie depuis quelques années. Rien n’est plus erroné quant aux faits, plus injuste quant aux appréciations que cette histoire. L’évêque d’Orléans, par un parti-pris puéril et peu digne de l’élévation de son esprit, supprime l’Italie de sa narration, rapporte au Piémont seul tous les événemens contre lesquels il proteste. À ses yeux et malgré de vaines précautions oratoires, on dirait qu’il n’y a pas d’Italie, qu’il n’y a dans la péninsule que le Piémont, dont l’ambition aurait accompli tout ce qui s’est fait jusqu’à présent, et veut accomplir tout ce qui pourra se faire dans l’avenir contre le pouvoir temporel de la papauté. Il affecte de n’adresser son réquisitoire qu’au Piémont. Un écrivain d’ancien régime aurait été plus exclusif encore que M. Dupanloup ; pour lui, il n’eût pas plus existé de peuple piémontais que de peuple italien ; il n’eût vu dans tout ce qui s’est passé que les ambitieuses manœuvres de la maison de Savoie. M. Dupanloup n’est point allé jusque-là ; il a senti le ridicule qu’il y aurait eu à n’attribuer tout ce qui s’est fait en Italie qu’à la politique de la maison de Savoie : si grand qu’ait été le rôle joué par le Piémont dans les événemens italiens, il n’est pas moins absurde d’attribuer exclusivement ces événemens à la seule initiative piémontaise. C’est aller contre le bon sens et l’évidence que de croire non-seulement que le Piémont ait fait, mais qu’il ait voulu, prémédité, prévu tout ce qui est arrivé. En présence de ce qui se passe à Turin depuis trois mois, les imputations arbitraires de M. Dupanloup ont l’air d’une mauvaise plaisanterie et d’une cruelle maladresse. Il n’est pas bien sûr que Turin eût jamais cédé de bon cœur à Rome son rang de capitale ; mais ce qui est aujourd’hui malheureusement certain, c’est que la convention du 15 septembre n’a pas plus de partisans dans le Piémont que dans le diocèse de M. Dupanloup.

Les révolutions qui depuis 1859 ont changé la constitution de l’Italie ont été, comme toutes les révolutions, dominées par un principe général, mais déterminées dans leurs incidens décisifs par des nécessités qu’aucune politique n’avait préparées ni prévues d’avance, par des nécessités dont la