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gions italiennes des restaurations impossibles. Le fait seul de la guerre avait amené des révolutions locales et le renversement des anciens gouvernemens ; tous les patriotes éclairés, éminens, des provinces révolutionnées étaient compromis dans ces mouvemens produits par la guerre ; ils ne pouvaient pas vouloir se livrer et on ne pouvait pas avoir la pensée de les livrer aux gouvernemens qu’ils avaient renversés. La réunion au Piémont pour former l’Italie était donc une nécessité morale et matérielle inévitable. Accuser la politique piémontaise d’avoir préparé ce résultat, ce n’est pas seulement de l’injustice, c’est de la déraison, car il est avéré que la paix de Villafranca fut pour la politique piémontaise une cruelle déception. Contradiction bizarre, cette triste paix de Villafranca ne plaisait alors qu’à ces politiques à courte vue qui aujourd’hui, de concert avec M. Dupanlonp, en dénoncent avec tant de passion les conséquences forcées.

L’évêque d’Orléans n’est pas moins injuste lorsqu’il esquisse l’histoire des relations du Piémont et de l’Italie avec la papauté. C’est la fatalité de la papauté temporelle d’avoir été en lutte avec tout ce qui pouvait et devait rendre à l’Italie une vie politique nationale et indépendante. La papauté ne nourrit point contre le statut piémontais une hostilité moins ardente et moins acharnée que l’Autriche. L’Autriche haïssait dans les institutions libres du Piémont le germe de l’indépendance italienne ; la cour de Rome détesta tout de suite dans ces institutions l’émancipation de la société civile italienne vis-à-vis du pouvoir ecclésiastique. En naissant à la vie constitutionnelle, le Piémont fut obligé sur-le-champ de constituer la société laïque, de faire cesser les vieilles confusions qui s’étaient établies, à la faveur d’un long despotisme dévot, entre le pouvoir civil et le pouvoir religieux, d’abolir des privilèges ecclésiastiques intolérables et partout incompatibles avec la civilisation de notre époque. La pensée première du gouvernement piémontais fut de concilier par une transaction les droits de l’état et de l’église ; il demandait à Rome un concordat, et certes un concordat qui eût assuré à l’église bien plus d’avantages que notre propre concordat français. On peut dire sans exagération que cette pensée du Piémont de bien définir les droits de la société civile et de tracer les justes limites du domaine ecclésiastique mit la cour de Rome en fureur. Le pape défendit en Piémont les privilèges ecclésiastiques et les empiéteraens du spirituel sur le temporel avec cette opiniâtreté qu’il apporte aujourd’hui à la défense de son pouvoir politique. Il repoussa les offres de transaction les plus généreuses. La cour de Rome considérait l’Italie comme une région consacrée où devaient régner, en fait de privilèges ecclésiastiques, les doctrines que nous voyons promulguées dans la récente encyclique, où il ne fallait à aucun prix laisser pénétrer aucun des principes qui ont prévalu ailleurs sur les droits de la société civile. Rome peut bien céder à la nécessité dans les pays où elle est faible, elle peut bien accorder des concordats à un pays comme la France et à un capitaine impérieux tel que Napo-