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séquence de la situation fausse d’un culte salarié par l’état. En luttant ainsi autour d’un salaire, les protestans ne semblent point répondre à l’idée de liberté qu’ils représentent. Que le parti orthodoxe reste une église orthodoxe, que le parti libéral devienne une église libérale, et chacun rentrera dans une situation honorable et naturelle. Que le parti libéral imite l’exemple que lui a donné, il j’a plusieurs années, l’église presbytérienne libre d’Écosse, lorsque le docteur Chalmers rompit avec tant de générosité le système qui enchaînait dans une organisation officielle la liberté de l’église.

Turin traverse en ce moment une situation difficile. Le parlement italien a voté sur l’enquête dont les événemens douloureux de la fin de septembre ont été l’objet. La discussion engagée sur l’enquête et le vote qui a suivi ont ranimé les passions et l’agitation qui éclatèrent lorsque la condition de la convention du 15 septembre qui exigeait le transfert de la capitale fut soudainement révélée. À notre avis, le Piémont et Turin ont droit aux plus grands égards et à la plus sincère reconnaissance de la part des autres régions de l’Italie. Ce sont les qualités piémontaises, l’énergie, la discipline, la persévérance du petit royaume subalpin, qui ont fait l’unité italienne, — et pour s’asseoir et se consolider, l’Italie, même après avoir changé de capitale, aura longtemps encore à demander au Piémont le concours et l’exemple de ces qualités sérieuses et viriles. Il importe en outre de tenir compte à la population turinoise et du sacrifice nouveau qui lui est imposé et de cette surprise dont elle a eu à subir en septembre le sanglant dénouement. C’est le souvenir des émeutes maladroitement et cruellement réprimées dont la convention du 15 septembre fut le prétexte qui était évoqué par la délibération du parlement sur le rapport de la commission d’enquête. Les principaux hommes d’état du parlement italien se sont conduits en cette circonstance avec un véritable esprit politique. Ils ont fait le sacrifice de leurs rivalités, de leurs ressentimens, afin de prévenir une discussion qui eût soulevé d’irritantes questions personnelles et enflammé les passions. M. Ricasoli, inspiré par son patriotisme et recommandé à tous par son désintéressement bien connu, est intervenu dans le débat pour concilier par un ordre du jour habile les diverses fractions de la chambre et empêcher l’explosion intempestive des questions personnelles. L’amendement de M. Ricasoli a réussi dans la chambre, où il a rallié une majorité considérable ; mais il ne paraît point avoir obtenu un succès égal auprès de la population turinoise. On eût voulu à Turin que la responsabilité du peuple dans les scènes sanglantes de septembre fût atténuée par un aveu quelconque, fût-il indirect, de la responsabilité encourue par les ministres de cette époque. Certes nous trouvons que les Turinois poussent jusqu’à l’injustice l’animosité contre le ministère qui a signé la convention du 15 septembre, et qui n’a pas su prévenir la répression sanglante de l’émeute. Ce déplorable accident est résulté d’une imprévoyance,