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paraît être au Chili, il reste prouvé que la masse soulevée offre du sud au nord une longueur d’au moins 4,000 kilomètres. C’est presque la distance de Paris à Tobolsk.

Les mouvemens actuels de la côte orientale de l’Amérique du Sud n’ont pas été reconnus d’une manière aussi certaine que ceux des rivages occidentaux, sans doute à cause de leur extrême lenteur. L’examen des faits géologiques prouve que le sol s’est élevé pendant la période post-pliocène, c’est-à-dire pendant l’âge des coquillages encore existans et des grands animaux qui furent les contemporains de nos pères, le mégathérium, le mastodonte, le glyptodon. Les pampas argentines ont conservé l’apparence uniforme de l’océan qui les couvrait jadis ; les terrasses parallèles de la Patagonie, se prolongeant à plus de 800 kilomètres de distance, varient à peine de quelques métres en hauteur sur divers points de leur immense développement, et les bras de mer qui serpentaient à travers la péninsule terminale de l’Amérique et la Terre-de-Feu gardent tous leurs anciens contours. Actuellement cette masse continentale, qui s’élevait avec une majestueuse lenteur, paraît osciller en sens inverse, et d’un mouvement imperceptible redescendre vers le niveau de l’Atlantique. Au pied des hautes falaises de la Patagonie, la mer ne cesse de s’agrandir aux dépens du continent, et quoique les brisans n’aient pas assez de force pour démolir les couches rocheuses à plus de 4 ou 5 mètres au-dessous de la surface, la profondeur des eaux marines n’en augmente pas moins d’une pente égale à mesure qu’on s’éloigne du rivage en voguant sur l’antique emplacement des falaises. Le fond de la mer s’affaisse donc, et en même temps la masse énorme des plateaux qui pendant la période récente des grands mammifères s’étaient élevés avec une si merveilleuse régularité. Sur la côte du Brésil, notamment à Bahia, diverses dépressions récentes semblent indiquer que là aussi la surface du continent s’abaisse régulièrement. Toutefois les faits connus ne sont pas encore assez nombreux pour autoriser une affirmation catégorique. C’est déjà pour la science un résultat des plus importons que d’avoir constaté le mouvement de bascule qui soulève toutes les côtes occidentales de l’Amérique, de l’île Chiloe à Callao, et déprime le versant oriental des Andes argentines et de la Patagonie. Ainsi une grande partie du continent colombien gagne incessamment d’un côté ce qu’elle perd de l’autre, et chemine sur les eaux de l’océan en voyageant vers l’ouest.

Dans l’Amérique du Nord, les oscillations du sol n’ont pas été reconnues sur une longueur aussi considérable que dans le continent du sud ; mais les rares observations déjà faites sur quelques points du littoral font considérer comme très probable l’hypothèse d’un soulèvement général auquel l’une des chaînes parallèles des