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du sculpteur Pradier, de M. Forster le graveur, de quelques autres artistes diversement habiles dont la France a vu se succéder tous les progrès, tous les travaux, et qui, après être venus se former à l’école de nos maîtres, ont continué d’en appliquer les principes, d’en respecter les traditions, tout en s’y créant une place brillante et distincte.

Seul parmi les peintres suisses qui depuis le commencement du siècle ont étudié et pratiqué l’art loin de leur pays, Léopold Robert a conservé dans les habitudes de son talent quelque chose d’obstinément caractéristique, de foncièrement conforme au goût, au tempérament national. Certes on serait mal venu, — en face des Moissonneurs, des Pêcheurs ou de l’Enterrement, — à contester le profond sentiment du beau et la science de composition admirable qu’attestent de pareils ouvrages; mais ne saurait-on, sans manquer à la vénération qu’ils commandent, relever dans l’exécution les traces de plus d’un effort laborieux, d’une correction souvent pesante, d’une fermeté qui semble résulter de l’exactitude intraitable d’un instrument mécanique autant que de la précision spontanée de la main? Quelle que soit la distance qui sépare les belles toiles de Robert des tableaux à la fois emphatiques et précieux de M. Hornung ou de tel autre artiste suisse invariablement établi dans son pays, ces chefs-d’œuvre eux-mêmes se ressentent à quelques égards du milieu d’où était sorti celui qui les a faits. Jusque dans l’art du peintre, et du grand peintre, certains témoignages subsistent qui ne laissent pas d’accuser les arrière-pensées dogmatiques et, qu’on nous permette de le dire, la méthode un peu gourmée du docteur sous les procédés patiens de l’horloger.

A l’exception de Léopold Robert, les peintres de figures nés en Suisse qui, de notre temps, sont allés au dehors chercher des inspirations ou des leçons, peuvent donc être considérés sans injustice comme les descendans directs de chaque race étrangère à laquelle ils se sont alliés. Il n’en va pas ainsi des paysagistes appartenant à l’école que le nom de Calame résume et personnifie. Beaucoup plus casaniers d’ailleurs que leurs confrères les peintres d’histoire ou de genre, ils se sont contentés d’exploiter leurs talens sur place, de prendre pour modèle la nature même de leur pays, ou, s’il leur est arrivé parfois de visiter d’autres régions, ils n’ont rapporté de leurs voyages qu’un amour plus vif de la contrée natale et une volonté plus ferme d’en reproduire tous les aspects. N’est-ce pas pendant un court séjour à Paris, en 1838, et à la vue d’un diorama représentant un Eboulement de rochers dans les Alpes, que Calame, par exemple, conçut le projet, réalisé l’année suivante, de peindre une scène semblable? En parcourant un peu plus tard les galeries de la Hollande, de l’Allemagne et de l’Angleterre, il ne