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l’air comprimé à la propulsion des trains sur les plans inclinés du Giovi.

Les expériences étaient déjà commencées quand tout à coup les inventeurs découvrirent une autre application de leur système : en cherchant la force de propulsion des trains, ils avaient trouvé celle de la perforation des tunnels. La première nouvelle officielle de cette découverte fut donnée au parlement, dans la séance du 17 juin 1856, par le ministre des travaux publics, M. Paleocapa. Les trois ingénieurs venaient de lui communiquer un projet de percement des Alpes. Ce projet n’avait pas cessé de tenir une grande place dans les préoccupations publiques, et la nouvelle fut reçue avec une vive satisfaction. « Ce système, dit le ministre, me paraît, d’après une rapide lecture, non-seulement applicable, mais le seul efficace, et puisque j’en parle, je dirai qu’il est fondé sur deux bases : la première est l’application d’une machine très simple pour faire avec facilité et promptitude des trous de mine, la seconde est une nouvelle application d’une force motrice qui sert en même temps à l’aération. » M. Menabrea vint, avec sa compétence bien reconnue du parlement sarde, compléter les renseignemens du ministre en fournissant quelques données précises sur le projet proposé. C’est dans cette séance du 17 juin 1856 que M. Sommeiller parut pour la première fois à la tribune. Il avait été nommé député par le collège de son pays natal, celui de Saint-Jeoire en Faucigny, non sans une lutte fort vive contre le parti clérical, peu touché de la célébrité naissante du jeune inventeur ami de M. de Cavour et partisan décidé de ses doctrines politiques et économiques. Ses idées libérales, odieuses à ce parti, le firent même éliminer de la représentation savoisienne aux élections de novembre 1857, trois mois après l’adoption de son système pour la perforation des Alpes et juste au moment où son invention faisait le plus grand honneur à son pays. L’échec électoral de M. Sommeiller, qui allait frapper sur la politique de M. de Cavour, fournit à celui-ci, dans la séance du 26 mai 1858, l’occasion d’un mot qui mit en émoi toute la réaction cléricale de la Savoie : il appela cette préférence accordée à un autre candidat un acte d’ingratitude, expression amère qui montrait l’étendue du ressentiment de l’homme public blessé dans ses sympathies privées, et qu’il fut obligé d’expliquer et d’atténuer devant la tempête des susceptibilités frémissantes. Quoi qu’il en soit, M. Sommeiller méritait d’avoir sa place au parlement, et son premier discours fut d’une extrême habileté. Il sut s’effacer, cacher sa personne et son œuvre derrière la grande entreprise qu’il proposait. Il fit taire son amour-propre pour parler de la machine perforatrice de Bartlett. Quiconque lirait aujourd’hui son discours ne se douterait guère que