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se compose en moyenne de sept enfans[1]. Les populations argentines, chez lesquelles le type caucasien domine de plus en plus, s’accroissent de nos jours d’une manière tellement rapide que, même sans le secours de l’immigration européenne, le nombre des habitans devient deux fois plus fort en vingt-cinq ans. La période de doublement est naturellement plus courte dans toutes les parties de la république où les étrangers arrivent en foule ; dans la province de l’Entre-Rios, où l’on compte 14,000 Européens, cette période est réduite à onze années.

Si les recensemens opérés au Paraguay sont dignes de loi, ce qui paraît à peine croyable à M. Martin de Moussy, cette république fournirait l’exemple d’un accroissement de population qui n’a pas d’analogue dans les provinces de la Confédération Argentine, ni même dans les contrées franco-canadiennes, si remarquables sous ce rapport. C’est là un phénomène qui mérite d’arrêter l’attention des ethnologistes, surtout dans un pays comme le nôtre, où depuis quinze ans le nombre des habitans ne s’est guère accru que par les annexions de Nice et de la Savoie. En 1795, le recensement officiel cité par Azara donnait pour tout le Paraguay une population de 97,480 habitans, y compris près de 11,000 de ces Indiens des missions qui depuis se sont laissé mourir par inanition morale. Soixante ans après, en 1857, on annonce que le territoire de la république est habité par l,337,439 personnes, c’est-à-dire que dans l’espace de deux générations la population serait devenue de treize à quatorze fois plus considérable[2], et cela sans la moindre immigration, car tout récemment encore le Paraguay était un pays muré comme la Chine, et les étrangers ne pouvaient y pénétrer qu’au prix de leur liberté personnelle.

Le remarquable accroissement des populations de la Plata montre combien ces contrées, dont la température moyenne est celle de nos villes d’hiver sur le littoral de la Méditerranée, méritent leur réputation de salubrité et sont heureusement situées pour devenir dans un avenir prochain le domaine de nations de premier ordre. Les cités importantes sont encore peu nombreuses et très éloignées les unes des autres, et si la population totale était répartie d’une manière uniforme sur tout le territoire, elle serait au plus de dix habitans pour 7 kilomètres carrés ; mais l’immigration, que déjà l’on peut évaluer à 12,000 personnes par an, prend des proportions de plus en plus considérables, et concourt maintenant avec l’accroissement naturel des habitans à transformer les solitudes en

  1. Dans la colonie de SanJosé, située dans l’Entre-Rios sur les bords de l’Uruguay, le total des naissances est quadruple de celui des décès.
  2. La période de doublement aurait été de dix-sept années.