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général Urquiza et contribuent par leur présence au renversement de Rosas ; mais ils ne se retirent point des bords de la Plata sans avoir stipulé une rectification de frontières qui leur donne des vallées fertiles et d’importantes positions stratégiques. Trois ans après, ils interviennent de nouveau sous prétexte de protéger les libertés du peuple contre les partis, et pendant près d’un an des troupes impériales maintiennent le colonel Venancio Florès sur le fauteuil présidentiel de la république.

Cet ancien président de l’Uruguay est le même Florès qui introduit de nouveau dans son pays les forces brésiliennes et les convie à dévaster les campagnes, à prendre les villes d’assaut, à passer les garnisons au fil de l’épée. Rude cavalier métis dont l’intrépidité est la seule vertu, Florès est un de ces chefs barbares que les déplorables guerres civiles de la Plata ont produits en si grand nombre depuis quarante années. Sans foi, sans pitié, sans morale, mais plein de la ruse et de l’astuce du sauvage, il invoque de son mieux le nom de la liberté ; tout en prenant pour alliés les planteurs brésiliens, qui sont les plus grands ennemis des républiques espagnoles, il se pose en vengeur de la patrie outragée. D’ailleurs, il faut le dire, le parti blanco, qui gouverne maintenant l’Uruguay, et que Florès cherche à renverser, expie des torts bien graves. En 1857, les chefs de ce parti, dépourvus de tout bon sens politique, n’ont pas craint d’irriter les sentimens de la nation en faisant de magnifiques funérailles à ce féroce général Oribe, qui pendant tant d’années avait été le fléau de l’Uruguay. Quelques mois après, ces mêmes personnages ne voulurent pas reconnaître la capitulation accordée à une trentaine d’officiers supérieurs de l’armée rebelle des colorados, et ils les firent tous fusiller malgré la parole donnée par le général vainqueur. Ce sont là des crimes politiques dont le souvenir ne s’efface point, et qui sont toujours suivis d’une réaction. À la prise de Florida, petite ville devant laquelle plusieurs des siens étaient tombés, le général Florès n’a pas manqué d’ordonner à son tour des fusillades en évoquant le souvenir des victimes du Paso-de-Quinteros.

Il y a bientôt deux ans que le redoutable caudillo tient la campagne. En mai 1863, il traversa l’Uruguay non loin de la ville de Paysandu, et, pénétrant avec quelques Argentins dans la vallée du Rio-Queguay, il eut bien vite recruté parmi ses partisans lin corps de hardis cavaliers. À la tête de ces gauchos, il parcourut ensuite le pays en proclamant la déchéance du gouvernement de Montevideo, en distribuant des titres aux hommes de son choix, en ravageant les propriétés de ses ennemis politiques. Rien de plus facile que son genre de guerre. Grâce à ses espions, il connaissait toujours d’avance le chiffre des troupes envoyées contre lui ; lors-