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cousin de sa majesté, lieutenant du bourreau en chef, et l’un des courtisans le plus en faveur ; — une grande poche de cuir pour le tabac de sa majesté britannique ; — un autre sac de même espèce destiné à son linge de corps, si la reine venait à voyager ; — deux pauvres négrillons à moitié morts de faim, appelés à grossir la domesticité de Saint-James. L’ambassadeur eut pour sa part une courte-pointe, un sac de cuir et un petit moricaud dont la mine futée faisait prévoir quelque prochaine évasion. En ajoutant à ceci trois autres pièces d’étoffe pour le commodore Wilmot, M. Cruikshank et le révérend Bernasko, plus une très petite quantité de cauries et quelques bouteilles de mauvais rhum, nous aurons la liste complète de ces largesses, plus en rapport avec la misère et l’avarice du prince qu’avec ses semblans de faste et de générosité.

Parti le 15 février pour Whydah, le voyageur anglais y arriva le 18, au lendemain d’un incendie qui avait dévoré pour trois cent mille dollars de marchandises diverses, et il y resta paisiblement jusqu’au 26 du même mois. Trois jours avant de se rembarquer à bord du Jaseur, il avait appris l’ouverture définitive des hostilités entre le Dahomey et la ville d’Abbeokuta. Cent vingt milles en ligne directe séparent Agbomé de la capitale des Egbas. Les troupes de Gelele mirent vingt-deux jours à franchir cette distance relativement insignifiante. Aussi arrivèrent-elles à peu près affamées et n’ayant plus d’autre nourriture que des fèves sèches, du riz grillé, des oignons et des noix de palme rôties. Leur effectif, considérablement diminué, n’allait pas à plus de huit mille têtes, hommes ou femmes, y compris le personnel des transports, si nombreux en pareille circonstance. Elles avaient emmené trois pièces de campagne. On n’a pas encore pu vérifier si le roi marchait ou non à la tête de son armée. Quoi qu’il en soit, la surprise, l’attaque de nuit tout à fait imprévue sur laquelle comptaient les Dahomiens, fut déjouée par une circonstance fortuite, et les Egbas, avertis à temps, se préparèrent à une défense énergique. La population tout entière prit les armes ; parmi les femmes elles-mêmes, bon nombre, munies d’épées, chantaient et dansaient derrière les remparts, pendant que leurs maris s’amusaient à jongler avec leurs fusils. Mal préparés à cette réception belliqueuse, les Dahomiens se décident pourtant à livrer l’assaut ; mais de prime abord un de leurs canons éclate. Au lieu d’attendre que les deux autres aient pu faire brèche, les plus braves se jettent sur les portes et sont accueillis par une fusillade terrible. À la suite de plusieurs assauts avortés, les assaillans sont forcés de battre en retraite devant un vainqueur qui massacre sans pitié les fugitifs et s’empare d’un immense butin. Avant le soir, les pertes de l’armée dahomienne l’avaient pour ainsi dire